Electre de Giraudoux, publiée en 1937, est une version moderne du mythe antique. Alors qu'un étranger entre dans Argos, on annonce le mariage prochain d'Electre, fille d'Agamemnon, et d'un jardinier. L'étranger la soustrait à cette obligation et révèle être Oreste, frère exilé de la jeune fille. La scène 10 de l'acte II est la scène ultime de cette pièce, mais la résolution de l'intrigue dramatique a déjà eu lieu avec le meurtre de Clytemnestre et d'Egisthe par Oreste. Alors que les Corinthiens pillent la ville et tuent des innocents, Electre savoure sa vengeance. Nous pouvons nous demander quelles sont les caractéristiques d'une scène de dénouement. Nous étudierons en premier lieu, la condamnation sans appel d'Electre puis la vengeance satisfaite, un passage rythmé par cette dualité des interprétations.
[...] Les Euménides devenues ici les Erynies, déesses assoiffées de vengeance, non contentes de prédire un sombre avenir pour Electre, lui rappellent que le trépas de son frère est entièrement de sa faute : "nous prenons ton âge et ta forme pour le suivre". L'énumération d'Electre, sous forme de gradation, "J'ai ma conscience, j'ai Oreste, j'ai tout" 12) en arrive à l'essentiel : "J'ai la justice, j'ai tout" 24). La justice intégrale d'Electre la rend profondément inhumaine. Elle n'est animée d'aucune compassion pour les habitants pris dans la tuerie et désigne la justice comme but suprême. Son aveuglement contraste fortement avec le champ lexical du massacre, employé par les Euménides : "s'égorgent", "incendie", "massacrent", "crime", "coupable" . [...]
[...] Les rôles s'inversent en quelque sorte, Electre devient prophète, prédisant que si les innocents d'Argos sont purs, ils renaîtront. Au contraire, les Euménides tentent de lui faire saisir le présent, à feu et à sang : "Désormais, c'est toi la coupable" 17) opposé à sa longue attente de vérité "sept ans". La troisième Euménide développe le propos de la seconde : "Ils renaîtront aussi, ceux qui s'égorgent dans les rues 7). Cette question rhétorique permet à Electre de réaffirmer sa position, soulignant cette fois que le salut individuel des habitants ne reposent que sur leurs agissements propres : "les innocents". [...]
[...] D'autre part, Electre semble réaliser la nature mystique du mendiant : "Demande au mendiant. Il le sait" 36). Celui-ci clôt la pièce sur une note d'espoir. Electre ne peut être complètement diabolisée. Elle semble en paix avec les puissances supérieures comme le suggère l'opposition d'attitude entre les Euménides et le mendiant, que l'on sait doué lui aussi de pouvoirs divins. Giraudoux réhabilite implicitement son personnage et ne rejette pas complètement la thèse de "justice intégrale" d'Electre. c ) Pas de conclusion réelle La victoire d'Electre sur Egisthe et sur son passé a finalement eu lieu. [...]
[...] Mais, à plus forte raison, on trouve une note d'espoir dans ce spectacle de désolation : les innocents s'entretuent peut être mais les coupables ont été punis comme le souligne l'utilisation de la conjonction marquant l'opposition "mais". Argos renaît donc de ses cendres, par l'habile métaphore de l'aurore, l'espoir est permis. Même sur des ruines, l'espoir existe toujours. b ) Electre, allégorie de la Justice Tous les membres de la famille d'Electre ont disparu et celle-ci perd avec eux son humanité, aussi bien sa compassion que son statut de mortelle au prise avec les dieux. [...]
[...] Cette scène censée marquer la fin n'en est donc pas vraiment une, à la mort succède l'espoir et cette reprise du cycle éternel de la vie jour se lève") ne nous permet pas de trancher. Giraudoux procède à une relecture du mythe dans cette dernière scène. La justice impitoyable qui a fait massacrer des innocents est la promesse d'un jour nouveau où la justice règnera en maîtresse. L'originalité de ce dénouement réside dans l'absence de conclusion sur l'avenir et le personnage d'Electre, pouvant être interprété à la fois comme bon ou mauvais. C'est au spectateur d'achever le processus par le biais de la pensée. [...]
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