Si, aujourd'hui, on parle volontiers d'une poétique du fragment, il n'en a pas toujours été ainsi. La modernité élève les écritures minimalistes à un haut degré de littérarité, comme en témoigne le goût pour les ouvrages de l'esthétique du discontinu, de l'épiphanie, de l'éphémère...
C'est sans doute pour cette raison que des critiques ou des écrivains d'aujourd'hui commentent ou font référence aux Maximes de La Rochefoucauld. Tantôt considérées comme un chef d'oeuvre de style concentrant les mots dans un brillant art de la pointe, tantôt considérées comme un ouvrage quelque peu artificiel et obscur, les Maximes sont sans cesse sujettes aux débats (...)
[...] Il s'agit d'une sorte de noyau indestructible de l'œuvre, qui soude les maximes entre-elles et créent un propos cohérent. Selon Pierre Campion, les maximes brillent entres elles comme autant de systèmes complets dont chacun tire aussi le genre de beauté d'être, sans plus, avec d'autres De plus, un autre élément concourt à créer une certaine forme d'unité dans les Maximes : le pessimisme patent du recueil et son inspiration augustinienne. Bien sûr cet argument est à mettre en corrélation avec la prégnance du thème de l'amour propre. [...]
[...] Celui-ci doit forcer le texte pour en tirer un sens et est ainsi véritablement acteur de sa propre connaissance. Ainsi A.A. Morello d'écrire : il reste que cette architecture, discrète mais réelle, souple mais certaine, fait aussi la part de la discontinuité, de la rupture, de manière à ce que le lecteur soit aussi ''appelé à la construction d'un sens'' [expression de Jean Lafond] En revanche, le lecteur peut aussi lire les Maximes comme un roman et ne pas en saisir toute la portée. On retrouve ici les deux types de lecture qu'appelle, volontairement ou non, le recueil. [...]
[...] C'est d'abord ainsi qu'elles sont probantes, autant qu'elles peuvent l'être, c'est-à-dire l'une de l'autre. Ainsi, si l'œuvre ne possède pas une construction systématique c'est pour préserver son élégance et son caractère spontané. * * * Si à une première lecture, le recueil des Maximes ne présente que peu d'unité, une lecture plus minutieuse permet d'en dégager une ligne générale et une certaine forme d'unité peut alors être envisagée. Cela dit, le critère de l'unité (ou son contraire) doit sans doute être dépassé afin de ne pas avoir une vision réductrice des Maximes. [...]
[...] Certains persisteront à dire qu'elles sont obscures du fait de leurs formules lapidaires et paradoxales. Certains iront même jusqu'à dire qu'il ne s'agit que d'un jeu d'esprit gratuit et artificiel. D'autres, et c'est le cas de Roland Barthes diront que les maximes disent à tel point les mêmes choses, que c'est leur auteur, ses obsessions, son temps, qu'elles nous livrent, non nous-mêmes Une chose est sûre, le recueil sera toujours soumis aux jugements paradoxaux qu'il appelle, et amènera bon nombre de critiques à faire des exercices de style pour parvenir à cerner l'essence de l'œuvre. [...]
[...] Si à un premier abord, les Maximes ne présentent que peu d'unité, une approche globale de l'œuvre en révèle cependant une, ce qui laisse à penser que les Maximes ne doivent pas uniquement être envisagées selon ce critère. * * * Certains arguments confirment le jugement que Jean Lafond porte sur les Maximes. De nombreux éléments tendent à faire penser que l'ouvrage présente, somme toute, assez peu d'unité. La seule lecture du titre témoigne du manque d'ordre et d'achèvement de l'ouvrage. Celui-ci : Réflexions ou sentences et maximes morales, cumulatif, hésite entre différentes définitions pour caractériser la teneur de l'ouvrage. Comme si l'auteur lui-même ne parvenait pas à trancher franchement la nature de l'œuvre. [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture