L'ouvrage étudié est un essai rédigé par Michel Delon, qui met en place une étude approfondie d'un roman épistolaire de Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, paru en 1782. Cet essai édité par Presses Universitaires De France, dans la collection Études Littéraires, s'intitule P.-A - Choderlos De Laclos, Les Liaisons Dangereuses. Né en 1947, Michel Delon est reconnu comme un spécialiste du siècle des Lumières, en particulier de l'histoire des idées et de la littérature libertine. Il est l'auteur de nombreux ouvrages sur cette époque et l'éditeur, notamment, du Dictionnaire européen des Lumières (1997) ainsi que des Oeuvres de Sade et des Contes et romans de Diderot dans la Bibliothèque de la Pléiade. Il s'agit ici pour l'auteur d'étudier l'oeuvre de Choderlos de Laclos, un des écrivains du XVIIIe siècle qui s'est prononcé sur la question de l'éducation des femmes et sur la condition féminine. A travers cet unique roman, Laclos dénonce les moeurs de la société de son époque. Il y présente trois personnages féminins : Cécile, une jeune fille, juste sortie du couvent pour être mariée, qui est jetée dans la vie mondaine sans aucun guide dans ses nouvelles expériences, Mme de Tourvel, une jeune femme avec une éducation monastique, dévote et fidèle à son mari et qui au fur et à mesure est confrontée à l'impossibilité de résister à ses désirs et à ses passions. Enfin, on découvre Mme de Merteuil, un des personnages principaux au centre du roman. Elle refuse sa condition de femme, misérable à l'époque, et choisit la voie du libertinage, entreprenant sur elle un véritable « travail » de contrôle des sentiments et des apparences (...)
[...] Par rapport à notre cours sur l'éducation des femmes au 18ème siècle, l'auteur définit les différents types de femmes qui apparaissent dans le roman face au libertinage masculin ; la vertueuse inaccessible qui doit fuir le monde image féminine qui renvoie directement à Mme de Tourvel, l'ingénue qui désigne la jeune Cécile de Volanges, et la libertine qui brave la condamnation morale et jouit des applaudissements de ses semblables qui renvoie à Mme de Merteuil. Michel Delon souligne ensuite les différentes condamnations formulées par Laclos face à leur éducation. Les jeunes femmes sont abandonnées à elles-mêmes après la sortie du couvant afin de les maintenir ignorantes et faibles. Leurs désirs et leurs passions qui devraient être gage de bonheur ne signifient que malheur dans une société aliénée. L'éducation religieuse poussée à son paroxysme va à l'encontre des élans passionnels de Mme de Tourvel. [...]
[...] Michel Delon met ainsi en avant le fait que Les liaisons dangereuses est le lieu d'une rupture formelle, reflet de cette crise des Lumières et du Classicisme. L'écrivain s'intéresse ensuite à la forme du roman épistolaire et met en avant le paradoxe de l'œuvre. En effet, le roman épistolaire, considéré à l'époque comme le roman adepte de l'authenticité des sentiments, est ici manipulé par Laclos, qui fait un usage parodique sinon ironique de la forme romanesque. Entre les mains des libertins, les lettres deviennent le modèle d'une hypocrisie généralisée et révélatrice des masques sociaux, ne laissant aucune place à la spontanéité du genre. [...]
[...] L'essayiste aborde ensuite à travers la complexité de la polyphonie, la question des lettres occultées uniques lettres ou les personnages auraient pu s'exprimer avec sincérité. Ces lettres sembleraient former les aventures du couple libertin avant qu'ils n'acquièrent la parfaite maitrise d'eux-mêmes et des autres. D'autres aideraient à juger de la sincérité de Valmont face à sa rupture avec Mme de Tourvel. L'absence de ces lettres laisse ainsi planer le doute sur sa sincérité. Le thème de la tromperie est alors replacé dans l'univers des salons. [...]
[...] Exprimant toujours son intérêt sur la question de l'égalité entre hommes et femmes, un an après la parution des Liaisons Dangereuses, Laclos participe au concours organisé par l'Académie de Châlons-sur-Marne. Il répond alors à la question posée : Quels seraient les meilleurs moyens de perfectionner l'éducation des femmes en écrivant un Discours qui reste inachevé et où il déclare qu' il n'est aucun moyen de perfectionner l'éducation des femmes Un peu plus tard, il continue à approfondir ce sujet et écrit un essai Des femmes et de leur éducation qui reste aussi inachevé. [...]
[...] Michel Delon accorde ici une grande importance à l'emploi de l'italique, qui peut se faire lui-même libertin. En effet, il dénonce ce qu'il y a d'illusion dans cette apparente spontanéité, en maintenant le doute et en suggérant le soupçon, en soulignant les citations, ou encore en amenant à l'appropriation du langage d'autrui. Il permet de piéger l'autre dans son langage, il ironise toutes paroles d'autrui, et ruine toute relation interpersonnelle. Enfin, Michel Delon démontre que le lecteur est devenu à son tour libertin, installé à son tour en position de voyeur. [...]
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