Dans le Mythe de Sisyphe et L'Etranger, on trouve la notion de sommeil qui est développée : l'homme qui s'éveille est celui qui voit l'absurdité du monde et sa déraison, il devient lucide. Cette absurdité est issue de l'écart qu'il y a entre l'appel de clarté de l'homme et l'indifférence du monde. Selon Emmanuel Mounier, dans Albert Camus ou l'appel des humiliés essai paru dans la revue Esprit en janvier 1950, "l'absurde est un divorce entre l'esprit qui désire et le monde qui déçoit, cet esprit et ce monde arcboutés l'un contre l'autre sans pouvoir s'embrasser". Seul le sentiment de révolte peut succéder à cette prise de conscience du divorce entre l'homme et le monde et à l'éveil à l'absurdité qui en découle : cette révolte peut être soit le suicide, soit l'espoir, les deux seuls moyens d'échapper à l'absurde (...)
[...] Aspiration universelle à l'irresponsabilité, l'homme se justifie en permanence par des évènements extérieurs et hasardeux pour se convaincre de leur innocence et de leur impuissance face à la fatalité : ces fripons veulent la grâce, c'est-à-dire l'irresponsabilité, et ils excipent sans vergogne des justifications de la nature ou des excuses des circonstances, même si elles sont contradictoires. L'essentiel est qu'ils soient innocents, que leurs vertus, par grâce de naissance, ne puissent être mises en doute, et que leurs fautes, nées d'un malheur passager, ne soient jamais que provisoires 87). [...]
[...] Le métier de juge-pénitent : La découverte de sa propre culpabilité l'amène à devenir celui qui invite ou oblige les hommes à se juger et à s'accuser, mais pas à lutter contre le destin, la culpabilité (contrairement aux médecins de La Peste) : J'exerce donc à Mexico City, depuis quelques temps, mon utile profession. Elle consiste d'abord, vous en avez fait l'expérience, à pratiquer la confession publique aussi souvent que possible. Je m'accuse de long en large. Ce n'est pas difficile, j'ai maintenant de la mémoire. Je mêle ce qui me concerne et ce qui regarde les autres. [...]
[...] Il n'y a pas d'au-delà. Il n'y a pas de lendemain. Pour Camus, Dieu est mort et l'homme est donc prisonnier de sa propre condition. L'homme doit dire oui au présent pour renoncer à l'éternel : Mon âme n'aspire pas à la vie éternelle mais épuise le champ du possible (phrase de Pindare mise en exergue dans Le Mythe de Sisyphe). Il faut donc épuiser sa propre vie, soit vivre pleinement dans le domaine du possible c'est-à-dire sans oublier que nous sommes limités par notre propre condition et par le temps qui nous est imparti. [...]
[...] Il y a une dualité. Mais dans le mensonge à soi-même, il n'y a plus de dualité. Pour la mauvaise foi, on trouve la même structure que dans le mensonge à autrui : une vérité et un masque. Celui qui se ment connaît la vérité mais il ne la fait pas sortir de sa conscience, elle reste dans l'intériorité : celui qui ment et celui à qui l'on ment sont la même personne. Clamence se veut innocent comme il pensait l'être lorsqu'il était avocat. [...]
[...] Avec cela, je fabrique un portrait qui est celui de tous et de personne. Le réquisitoire est achevé. Mais du même coup, le portrait que je tends à mes contemporains devient un miroir. [ ] Plus je m'accuse et plus j'ai le droit de vous juger. Mieux, je vous provoque à vous juger vous- même, ce qui me soulage d'autant. 145-146). En devenant juge-pénitent, Clamence tend un miroir aux hommes pour qu'ils voient la vérité, soit leur mauvaise foi, pour qu'ils puissent s'éveiller. [...]
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