Violences sauvages, violences modernes
G. Lipovetsky réfute la thèse de R. Girard affirmant que dans les sociétés primitives la violence sacrificielle est un processus de prévention contre le cycle infernal de la vengeance, des représailles et contre représailles. Au contraire l'auteur affirme que la vengeance est dans ces sociétés un instrument de socialisation, une valeur sociale; il existerait un véritable code moral de la vengeance.
Structures sociales élémentaires, l'honneur et la vengeance dressent les hommes à s'imposer par la force, à gagner la reconnaissance des autres, à lutter à mort pour imposer le respect.
Dans la violence sauvage, l'agression guerrière est un instrument d'équilibre social : on venge un outrage, un décès, une maladie attribué à l'ennemi. On rétablit une perte.
Dans l'ère moderne la guerre devient instrument de conquête avec l'avènement de l'Etat. C'est désormais un « espace de domination ».
L'armée devient régulière et on forme des professionnels de la guerre.
Depuis le 18è siècle l'Occident a progressivement renoncé à la barbarie: interdiction du duel, abolition des supplices corporels, chute du nombre d'exécutions capitales.
Au fur et à mesure que se développent l'individualisme et le monopole étatique de la force physique, il devient inutile d'employer la violence là où l'Etat assure la sécurité quotidienne.
Pour N. Elias l'individu moderne se résout à repousser ses pulsions agressives, devenues incompatibles avec la sécurité étatique. Pour G. Lipovetsky cette explication est pertinente mais partielle: le recul de la violence est aussi dû à une mutation cruciale; l'impératif de sauver son honneur s'affaiblit.
Il n'est plus honteux de tolérer une offense, une injure. L'individualisme a vu émerger une morale de l'indifférence: l'altérité n'est plus définie en termes d'amitié ou d'inimitié, nous sommes entre nous des « étrangers anonymes ». (...)
[...] Lipovetsky dresse le constat d'une société soumise au règne du libre- service libidinal C'est un phénomène d'inflation érotique et pornographique. Dans ce supermarché du sexe autant d'offres que de demandes abolissant l'ordre coercitif de la Censure et du Refoulement au profit du tout voir, tout faire, tout dire Indifférence pure Elle est définie par G. Lipovetsky comme une onde de désaffection une vague immense de désinvestissement par laquelle les institutions et valeurs universelles sont vidées de leur substance. Le savoir, le pouvoir, le travail, l'armée, la famille, l'église ne sont plus, dans la société post-moderne des principes absolus et intangibles. [...]
[...] Lipovetsky attribue au modernisme la négation des traditions et le culte de la nouveauté et du changement. Ainsi décrit-il l'émergence entre 1880 et 1930 des artistes d'avant-garde qui s'insurgeaient contre l'ordre officiel et l'académisme et prônaient l'invention perpétuelle. L'inédit était devenu un impératif catégorique. Le modernisme littéraire et artistique se libère du code de l'imitation des Maîtres au profit de l'expression du moi et la personnalisation du style. Pour le spectateur, finie la contemplation esthétique, l'heure était à l'émotion personnelle. [...]
[...] La liberté est déchaînée : sexe à la carte, mode de vie choisi (éducation libérale, vie sans enfant . ) Contrairement au modernisme des sixties (opposition au puritanisme, à l'autorité, au travail aliéné . ) le post-modernisme affirme l'équilibre personnel, le retour à soi, l'authenticité. Dans le domaine artistique, le postmodernisme n'est plus révolutionnaire ; l'art devient une forme d'expression libre ouverte à tous. Les foyers artistiques s'éparpillent et chacun peut se revendiquer artiste comme en témoigne l'expansion des groupes de théâtre et de danse amateurs. C'est l'épuisement de l'avant-garde. G. [...]
[...] Les valeurs s'éteignent et alors ? nous répondra-t-il. Rien ne le choque plus, rien ne le scandalise plus. C'est l'anémie émotionnelle. L'homme purement indifférent l'est par hyper sollicitation par excès et non par privation : c'est l'abondance des choix dans le libre- service généralisé qui le rend apathique. G. Lipovetsky analyse les conséquences de ce désert relationnel dont l'issue fatale n'est pas le suicide mais la démocratisation du mal de vivre par la dépression. Comment réagir autrement face au champ vertigineux des possibles ? [...]
[...] Lipovestky se propose d'analyser à travers six essais (et autant de chapitres) les logiques de l'individualisme contemporain: * Séduction non-stop Le post-modernisme obéit selon G. Lipovetsky à une logique de séduction non stop : dans tous les domaines l'individu se trouve face à une abondance de biens et services, qui lui permet de diversifier ses choix à l'infini. La séduction non stop se développe par exemple dans le domaine de la micro-informatique avec des logiciels et matériels toujours plus performants et personnalisés, dans le médical où l'on séduit par les techniques d'homéopathie et de médecine douce. [...]
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