"Le Jeu de la Feuillée" est une pièce de théâtre arrageoise datant du XIIIe siècle attribuée à Adam de la Halle, également appelé Adam le Bossu ou encore le Bossu d'Arras. Elle apparaît comme une revue de la bourgeoisie arrageoise, une satire qui crible les personnages présents sur scène, mais également d'autres qui sont seulement évoqués, dans tous les cas des personnages ayant réellement existé dans la société d'Arras.
Mais malgré cet aspect qui pourrait reproduire un certain effet de vraisemblance, cela reste une œuvre étonnante, déroutante par son manque d'unité et de continuité. Les différents épisodes se succèdent sans logique apparente : la pièce s'ouvre sur la décision d'Adam de partir à Paris reprendre ses études, puis interviennent le moine et le dervé, qui laissent ensuite la place à la merveille de féérie et à la roue de Fortune, et enfin les personnages se retrouvent à la taverne et jouent un mauvais tour au moine.
La feuillée peut représenter l'endroit où l'on exposait la châsse de Notre-Dame sur une place publique d'Arras, mais elle pouvait également être appelée follye, d'où la seconde interprétation du critique Roussel. S'appuyant sur la dépalatalisation du L mouillé par les Picards, il pense que cette forme était alors homophone de folie, et qu'il est bien possible qu'à l'origine le vrai titre ait été "Li jeus de la folie".
Cela nous amène alors à nous questionner sur l'importance de la folie dans "Le Jeu de la Feuillée". Pouvons-nous voir dans le motif de la folie, récurrent dans la pièce, un élément-clé de l'œuvre ? La folie pourrait-elle être l'idée mère qui rendrait une unité ou une certaine cohérence à la pièce ?
[...] Dans une première partie, nous allons nous intéresser à la représentation du fou dans Le Jeu de la Feuillée, aux différents personnages qui incarnent la folie ainsi qu'à l'effet comique que cela produit. Tout d'abord, nous allons nous pencher sur le premier personnage de sos apparaissant dans la pièce : il s'agit de Walet, qui fait son apparition au vers 342, après que Riquier l'a appelé aux vers 340 et 341 Or cha ! Sus, Walet, passe avant ! / Je cuit plus sot de ti n'i a. [...]
[...] En effet lors de la scène finale de la taverne, il se montre le plus vorace de tous, comme en témoigne l'exclamation Par le mort Dieu, je muir de fain (v.1040). La situation se renverse et amuse : les personnages ont trouvé plus gros mangeur qu'eux, et prennent même peur, si bien qu'ils décident de ranger la nourriture Pour l'amour de Dieu, ostons tout, / Car se chis sos la nous ceurt seure v. 1054-1055). De plus, la grossièreté du dervé est manifeste. [...]
[...] De toute évidence il n'est pas conscient de tous les efforts concédés par son père pour l'aider, il a perdu toute raison, toute lucidité. Cette première partie de la réflexion nous a permis de dégager les différentes figures du sos se dégageant d'une première lecture de l'œuvre. Nous allons alors nous intéresser à la fonction dramatique de ces personnages. Dans un second temps, nous allons voir que la folie agit comme un véritable ressort théâtral dans la progression de la pièce. [...]
[...] Cette conception du personnage de fou prendra place au cœur du théâtre à la fin du Moyen Age surtout, dans ce sens Adam de la Halle fait donc figure de pionnier, de précurseur. Nous pouvons ainsi peut-être voir dans cette pièce une annonce de la sottie, un genre théâtral qui a connu sa plus brillante époque sous le règne de Louis XII (1498 à 1515) et qui était une pièce politique, d'actualité, une satire reposant sur l'hypothèse que la société toute entière est composée de fous. [...]
[...] Ce personnage est présenté comme un original inoffensif qui manifeste sa folie de plusieurs manières. Tout d'abord par les propos qu'il tient : il se proclame lui-même comme fou, au vers 344 Car je suis, voi(r], un sos clamés Il commence d'ailleurs sa réplique par des propos blasphématoires et violents , Sains Acaires, que Diex kia (v.342), et immédiatement après il confirme sa folie en réclamant de la purée de pois en quantité, Donne m'assés de poi pilés (v.343). La purée de pois était effectivement considérée au Moyen Age comme la nourriture favorite des fous, ainsi que le fromage, que Walet offre ensuite à Saint Acaire alors que le public sait que c'est le moine qui en profitera ensuite : Et si t'aporc, si je crois, / Biau nié, un bon froumage cras (v.347). [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture