Jean Pierre Camus, évêque de Belley, témoignait d'une grande animosité à l'égard des « moines mendiants » de l'époque, et critiquait souvent leur paresse et leurs mauvaises mœurs dans son œuvre, autant qu'à la chaire (L'antimoine bien préparé, 1632). Il dirigeât son diocèse pendant vingt ans et fut député du clergé des états généraux de 1614 ; puis, ne se voyant pas soutenu par Richelieu, il se retire dans son abbaye d'Aunay où sa piété et son zèle furent mis au service des pauvres. D'une grande activité littéraire, son œuvre compte plus de deux cent volumes, dont les plus intéressants sont ses « antidotes » au roman d'amour à la mode (par exemple l'Astrée d'Honoré d'Urfé), veine à laquelle appartiennent les spectacles d'horreur que nous allons étudier ; il écrivit aussi des romans pieux et moralisants, des ouvrages théologiques.
Ici l'auteur reprend le mythe de Médée au sein d'un fait divers fictif à noms d'emprunts et aux personnalités typées, ce qui offre un récit allégorique, voir parabolique. Soulignons alors l'importance d'une analyse linéaire car ce texte, mélangeant l'article de presse, la parabole biblique et la tragédie antique, offre un récit court mais concis, et surtout efficace, car porteur de types et de symboles récurrents, à visée émotive et didactique.
Notre analyse sera principalement axée sur la passion. Passion éprouvée par le personnage, par le lecteur, but de celle-ci… Car cet « exemple » efficace, derrière les horreurs qu'il narre, prône la fidélité dans le mariage ; cette fidélité n'est pas vue comme une valeur « en soi », dogmatique, mais d'une manière pratique comme le garde-fou d'une mentalité féminine convulsive, rapidement incontrôlable, et qui peut si facilement toucher à l'inhumanité.
Notre analyse se déroulera en cinq mouvements :
-P.88 l.1 à l.12 : Premier paragraphe de présentation. Interrogations rhétoriques, effet de spectacle, gage de véracité.
-P.88 l.13 à l.23 : Présentation de l'histoire, mise en situation. Forme d'intermède.
-P.88 l.24 à P89 l.32 : Description des tenants et aboutissants de la situation : au final, acte irréversible qui cristallise toutes les fureurs d'Alfride et va déclencher l'irrémédiable ; Montée en puissance.
-P.89 l.33 à P90 l.28 : Le récit sanglant, impitoyable et inexorable : enfants tués et découpés un à un, par décroissance d'ordre d'âge et sans aucune pitié, puis apothéose.
-P.90 l.29 à la fin : une post-face dramatique qui glisse savamment vers l'inductif. Et plus particulièrement la dernière phrase : morale civile et religieuse : la parabole moderne.
[...] On observe une force naturelle dans la violence, ce chaos qui menace sans cesse l'individu, et des personnages passifs. De plus, on retrouve aussi dans ce texte les spécificités de la tragédie classique : la tournure moralisante et une esthétique du spectaculaire. Ne mourant pas sur le champ de ce coup, peut-être par la providence de Dieu sur Safandin l.24 est étonnant : Safandin ne mériterait pas de châtiment ? Il ne serait pas ne serait-ce qu'un peu responsable de ces meurtres ? [...]
[...] Elle est une conséquence, un garde-fou et non pas une preuve d'amour ou de respect mutuel. Ensuite, ce récit se rapproche bien de la tragédie moralisatrice du XIIe. Fidèle à ses convictions, Camus se rapproche du peuple et vulgarise la parabole évangélique en la métissant de la forme de l'article de presse à sensation, à la catharsis antique, et à la vision classique du genre tragique. [...]
[...] Toutes les femmes seraient des Médée en puissance. Les connecteurs temporels à la fin l.27 et il vint enfin l.31 montrent que Safandin va de plus en plus loin, cette partie se termine pas un acte irréversible, qui achève de cristalliser toutes les fureurs d'Alfride envers son mari : l'ayant battue outre mesure (relevons-le outre mesure), il dépasse les dernières bornes. Il la réduisit : Alfride est encore mise au passif, sujette de ses passions et dépendante des évènements et de son mari. [...]
[...] L'auteur donne deux noms d'emprunt à ses personnages. En assez bonne intelligence »l.15 décrit un mariage raisonné, une sorte de cohabitation pacifique, où l'amour n'est absolument pas mis en jeu. Au commencement de leur mariage annonce ce qui va suivre : la structure en boucle de couturière permet une progression rapide et détaillée. C'est le tableau rapide et concis d'une situation. Nous sommes à peine au commencement de ce mariage et ils ont déjà quatre enfants, d'où le terme déjà renforcé en début de phrase, qui lui donne un ton biblique ; on observe un lexique de l'union, de la fusion : leur lit l.15, communs gages liaient leur cœur aussi bien que leurs corps l.18. [...]
[...] On voit que la relation de Safandin et Alfride n'est pas décrite de la même façon suivant les personnages ; au début du texte il est pondéré et ressort surtout d'une entente entre deux personnes. Mais ce que ressent Alfride dépasse cet ordre, son amour est lui-même excité par sa jalousie. Un poète ancien »l.16 fait référence à Sénèque et rappelle le personnage de Médée. Ainsi, comme dans l'œuvre antique, les puissances naturelles s'accumulent. Une liste de comparaisons négatives Il n'y a rien bouillant l.13 ; rien de si âpre l.15 ; il n'y a ni/ni/ni [ . [...]
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