A propos de l'Histoire d'un voyage fait en la terre du Brésil, un critique contemporain a pu écrire : « Désormais, il ne suffit plus, pour être cru, et donc lu, d'entasser dans le plus grand désordre une collection hétéroclite de singularités qui valent pour elles-mêmes, garanties par l'autorité du signataire. Il faut encore et d'abord les articuler sur une expérience personnelle et une raison raisonnante. L'invention de la personne, telle est la nouveauté fondamentale qu'on s'accorde à découvrir dans l'œuvre de Léry, et plus généralement dans la littérature de témoignage issue de la Réforme ».
Quelles remarques ce propos appelle-t-il de votre part ?
[...] Cette personne renvoie au je de Léry, qui délègue sa parole, d'où une pluralité des voix et des récits. La multiplicité et la richesse sont constitutives d'une œuvre littéraire. Cette multiplicité n'enlève rien à l'intégrité de cette personne nouvelle. Son invention est une nouveauté fondamentale donc au centre de tout. L'œuvre de Léry est donc un synonyme d'innovation. Le terme de personne (au singulier) s'oppose à celui de singularités (au pluriel). Comprises comme dans la citation, les singularités ne peuvent suffire ainsi. Elles doivent être soumises à un ensemble complexe : la personne. [...]
[...] L'idée même du voyage implique qu'il y a des lieues, des territoires à découvrir. Le récit prend son intérêt quand on ne sait pas tout. Le récit de voyage représente le lieu d'une expérience personnelle Léry, dans son Histoire, dit à la page 98 : science, c'est- à-dire de veuë et d'expérience Cette expérience pose un rapport avec le lieu et le temps. Tout cela forme un discours subjectif, puisque c'est un sujet qui a une expérience L'expérience est une connaissance acquise par une longue pratique et de l'observation. [...]
[...] C'est donc une nécessité d'agir afin d' être cru et lu (ce qui est la visée de tout écrivain, de tout auteur). Ces quelques montrent donc comment Léry et son Histoire établissent leur rapport à la littérature. C'est une expérience personnelle vraiment vécue, qu'il porte en témoignage dont il augmente l'intérêt et la qualité en y adjoignant des réflexions, des questionnements. Et chez Léry, la personne est véritablement au centre de toutes les préoccupations, dont l'invention conforte la littérarité de l'œuvre de Léry. [...]
[...] L'imagination peut être comprise comme vecteur de voyage (à travers la littérarité de l'œuvre). L'écrivain, quant à lui, est un homme qui donne une partie de lui dans son œuvre. Par exemple, chez Léry, l'auteur est associé au narrateur et au protagoniste, à travers le je L'écrivain ou l'auteur a une volonté élévatrice en écrivant. La question de la réception se pose : il n'écrit pas juste pour écrire, mais pour lui (autobiographie), la religion (vocation de missionnaire), les hommes (plutôt l'humanité). [...]
[...] Mais, tout comme Léry, il témoigne d'une véritable audace de pensée : ce sont deux témoins qui s'expriment à la première personne. Il y a une autre différence radicale avec Léry, qui lui, se pose en véritable témoin, puisqu'il est véritablement allé dans le pays qu'il décrit dans son récit. Le témoignage semblerait donc être quelque chose d'objectif. Mais comme c'est un homme (donc qui se pose comme un sujet), il ne peut pas ne pas inclure une certaine place à la subjectivité. [...]
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