Dans la guerre de Troie n'aura pas lieu, l'intrigue se joue autour d'Hector, combattant troyen revenant de la guerre, qui, supporté par sa femme Andromaque et sa mère Hécube, se bat pour éviter le déclenchement de la guerre de Troie. Pour cela, il tente tout au long de la pièce de convaincre Pâris, son frère, Priam, son père puis Hélène elle-même de repartir chez elle.
Cette pièce de théâtre, écrite par Jean Giraudoux en 1933, ne décrit pas directement un conflit armé. Au contraire, Giraudoux prend du recul par rapport à une potentielle situation de guerre pour pouvoir analyser le phénomène guerrier, son but étant de faire réfléchir ses contemporains sur ce phénomène, et surtout de les amener à se rendre compte des conséquences de l'éclatement d'une nouvelle guerre en Europe.
Giraudoux nous livre ici une réflexion poussée sur la guerre, tant sur son contenu au front - les batailles, les relations entre les soldats, amis et ennemis, le lien entre le soldat et la guerre, la bataille en elle-même, le sort des civils - que sur ce qui la guide, sur la guerre « vue d'en haut » – manipulation des élites, institutionnalisation de la guerre.
Que nous apprend Giraudoux sur le phénomène guerrier, et sur son vécu personnel de la guerre ? La guerre de Troie n'aura pas lieu est-elle seulement une œuvre qui se pose contre la préparation d'une nouvelle guerre, ou nous permet-elle d'appréhender de manière plus large ce qu'est le phénomène guerrier ?
[...] En réponse à Demokos : La guerre t'a pris un père, un frère, mais ramené un mari . Andromaque : elle est trop bonne. Elle se rattrapera Les femmes se posent alors en principales opposantes à la guerre, Giraudoux les utilise comme les voix de la raison qui dépouillent la guerre de toutes les considérations d'honneur et de courage que peuvent ressentir les soldats : ce sont les braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il faut . avoir courbé la tête ou s'être agenouillé devant le danger. [...]
[...] Mais au-delà de cette désillusion, on comprend que la guerre n'est pas toujours rejetée par le soldat, même lorsqu'il s'est converti au pacifisme. Le conflit entre les admirateurs de la guerre et ses détracteurs peut représenter la tension qu'il doit y avoir en chaque soldat : entre rejet de sa violence et attrait pour la grandeur qu'elle procure, la guerre est un objet ambigu pour tous. La relation du soldat à l'ennemi est aussi décrite dans la pièce. Si parfois Giraudoux suit le courant des pacifistes en montrant que l'ennemi reste une personne semblable au soldat, voire son double - Andromaque a le même battement de cils que Pénélope (Ulysse), Auparavant ceux que j'allais tuer me paraissaient le contraire de moi-même. [...]
[...] Pour autant, les autres aspects de la guerre, son ambigüité comme phénomène ne sont pas oubliés. Giraudoux a une vision rationnelle de la guerre, et tente par son œuvre, au mieux d'éviter le déclenchement de la guerre en 1933 même si l'on peut se demander si lui-même croit en l'évitement d'une telle guerre, est-il aussi en train de montrer que son message, comme celui d'Hector, restera inaudible ? - ou au moins d'essayer de comprendre, au-delà de toute idéologisation, pourquoi la guerre peut éclater. [...]
[...] Giraudoux tente de renverser les valeurs communément admises : se faire passer pour un faible revient en fait à être courageux. L'effet de la pièce de Giraudoux est clair : à sa lecture, on se rend compte de la facilité avec laquelle une guerre peut être enclenchée, il est impossible de nier l'éventualité d'une nouvelle guerre en Europe dans les années 1930, et les contemporains feraient bien de prendre la mesure de ce fait. Cependant, la pièce ne se résume pas à un pamphlet antiguerre. [...]
[...] Finalement, la guerre est déclenchée sur un quiproquo. La manipulation des préparateurs de la guerre est incarnée par Busiris qui utilise le droit pour tout justifier dans la scène 5 de l'Acte II : les Grecs se sont rendus coupables de trois manquements aux règles internationales . puis Hector : tu vas donc, sur le champ, me trouver une thèse qui permette à notre Sénat de dire qu'il n'y a pas eu manquement de la part de nos visiteurs, et à nous, hermines immaculées, de les recevoir en hôte Finalement, Giraudoux tente par toutes ces images de rendre compte de la futilité des causes invoquées, c'est ainsi qu'il en profite pour tourner aussi le nationalisme en ridicule : la lâcheté est de ne pas préférer à toute mort la mort pour son pays Demokos. [...]
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