Ce corpus de textes pacifistes regroupe un essai, intitulé Je ne peux pas oublier (publié d'abord dans Europe en 1934, ainsi que nous l'indiquons plus bas, et sans doute retravaillé) ainsi que quatre chapitres inédits du Grand Troupeau (Montée à Verdun, Veille d'attaque devant Saint-Quentin, Quiconque donc me trouvera me tuera ! et Bataille du Kemmel). Tous ces textes traitent de la guerre et on été regroupés pour être publiés chez Gallimard en 1937, Giono ayant souhaité diffuser à plus grande échelle ses écrits engagés. Leur unité nous est indiquée par le titre : il s'agit là de l'œuvre d'un objecteur de conscience, qui proclame pour la première fois ses idées pacifistes avec vigueur.
[...] C'est de là que peut venir la révolte susceptible de miner le régime bourgeois Les quatre chapitres du Grand Troupeau reprennent implicitement ces mêmes idées, la puissance de conviction du je cédant place à celle des images. L'antimilitarisme de Giono s'exprime par exemple à dans la scène où un capitaine en vient à se révolter contre son colonel. Mais il serait simpliste de distinguer dans Refus d'obéissance les idées de Giono, exprimées dans l'article placé au début du recueil, et leur illustration romanesque dans le Grand Troupeau. [...]
[...] Ces idées assénées avec force ont pour objectif de saper l'autorité du gouvernement et des chefs de toutes natures aux yeux des lecteurs et de réveiller en chacun le sentiment de la grandeur humaine et de la valeur inestimable de la liberté individuelle qui conduit à la joie : l'homme n'est la matière première que de sa propre vie Et il n'y a rien au- dessus de la vie d'un homme rien au-dessus de la paix, pas même l'idée d'une génération future pour laquelle il faudrait se sacrifier. C'est la seule vérité à laquelle on doit se fier. [...]
[...] Plus qu'apolitique, Giono apparaît comme anti-politique -et ce malgré sa sensibilité de gauche-, la politique étant à son sens d'une nature voisine de la guerre. Finalement son intransigeance, qui le conduit à une critique radicale des valeurs servant les causes bellicistes (nationalisme, héroïsme guerrier, fierté, honneur) et à une grande intransigeance à l'égard des chefs désignés comme responsable de la guerre, aboutit à un anarchisme généreux dans la même veine que celui de son père ou de son grand-père (carbonaro émigré en France) et tendu vers la recherche d'un idéal de pureté. [...]
[...] Chez lui idéologie et imaginaire, critique de la réalité historique et utopie s'alimentent mutuellement, trouvant leur accomplissement dans l'œuvre de Giono, qui reste avant tout un grand romancier. [...]
[...] En février 1934, une lettre de l'écrivain publiée dans Commune annonce son adhésion à l'Association des écrivains et artistes révolutionnaires, liée au parti communiste, qu'il quittera rapidement : Giono n'avait rien d'un militant, et l'on doit voir dans ce rapprochement avec les communistes plus une conjonction momentanée autour d'un dénominateur commun, à savoir le pacifisme, qu'une adhésion de celui-ci à une mouvance politique. Le parti communiste finira du reste par accepter l'idée d'un réarmement dès la signature du pacte d'assistance franco-soviétique en mai 1935, et bien pire par révéler sa soumission aux directives d'un chef sanguinaire, ce qui provoquera une critique sans merci de la part de Giono. Ce dernier, qui avait par son engagement voulu cesser d'être inutile refusera désormais d'être rattaché à un quelconque parti. [...]
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