Racine publie son Iphigénie en 1674. Mais le sujet lui a manifestement posé problème. Il nous le confie de façon implicitement dans sa préface. Les Antiques ne s'accordent pas sur le sort de la jeune innocente. Racine doit faire son choix. Que faire de l'héroïne sans pour autant transgresser les règles ?
[...] Elle dénonce les projets de fuite de la victime désignée par les dieux. Elle joue pour son propre camp et non pas pour les dieux. Elle détourne l'attention du spectateur vers une intrigue amoureuse. Eriphile trouble donc l'unité d'action, mais conduit la tragédie à une infraction plus grave encore : Iphigénie, l'héroïne, ne meurt pas. Le dénouement n'est pas conforme à la tragédie classique, dans laquelle le héros est voué à une mort certaine, ne pouvant vaincre le destin qui doit le broyer. [...]
[...] C'est elle que broie le destin et non Iphigénie. La révélation faite à Calchas in extremis de l'existence d'une autre Iphigénie d'une autre fille du sang d'Hélène fait basculer la tragédie sur les épaules d'Eriphile, fille d'Hélène et de Thésée. Sans Eriphile, Iphigénie serait une très bonne comédie nous dit Roland Barthes (in Sur Racine). En mourant, elle sauve la tragédie. Elle succombe à la machine implacable, au destin qui est le sien. Fille d'Hélène, elle est le bouc émissaire, elle paie pour ses ascendants. [...]
[...] On remarque dans ces vers l'ironie de Clytemnestre, qui non sans esprit, rappelle les antécédents de cannibalisme dans la famille de son mari, et l'emploi d'un vocabulaire hyperbolique désignant Agamemnon tel un Bourreau ou encore un Barbare La tragédie tombe de son haut rang ; plus de noblesse, plus de sang royal, rien qu'un mari et une femme qui se querellent, rien qu'une mère blessée, meurtrie par le sacrifice qui se prépare sous les ordres du père de son enfant. Enfin, Iphigénie est une tragédie de la famille. On pourrait croire d'abord à une tragédie politique, telle Bérénice. Mais ce qui domine dans Iphigénie, c'est bien la famille. Tout y prend place. Le père se voit contraint de sacrifier sa fille, la mère de celle-ci s'y oppose bien entendu, et c'est le futur gendre qui sauve sa promise. Quoi de plus familiale ? Achille, le futur gendre, entre d'ailleurs lui aussi en conflit avec le père de sa promise. [...]
[...] Cependant, on y remarque volontiers le goût de Racine pour le sensible. Ne pouvant se résoudre à tuer l'innocente princesse, il en introduit une autre, assez détestable pour mériter (du moins plus qu'Iphigénie) la mort. Le procédé peut paraître artificiel mais il ne remet en tous les cas pas en cause l'intégrité tragique et classique de la pièce. L'accueil de l'œuvre par son temps ne dément d'ailleurs pas cela La tragédie des larmes à rempli son contrat. Et si elle n'est pas pour la postérité la plus grande des œuvres de Racine, elle est pourtant une trace fort intéressante de la technique et de la sensibilité si propres à celui-ci. [...]
[...] Les règles se voient tout d'abord déjouées sur trois points. L'unité d'action, d'un prime abord si nette, se trouve perturbée par l'action d'Eriphile, qui, non contente de pousser Iphigénie vers le bûché (ce qui entrerait dans le cadre de l'action principale), joue les intrigantes, et brûle d'une flamme ardente pour Achille, Eriphile : ( ) / Je le vis. Son aspect n'avait rien de farouche, Je sentis le reproche expirer dans ma bouche. Je sentis contre moi mon cœur se déclarer, J'oubliai ma colère, et ne sus que pleurer. [...]
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