Poème de Baudelaire, extrait du recueil des Fleurs du Mal publié pour la première fois en 1857, L'Invitation au voyage est inspiré par une femme, Marie Daubrun, comédienne qui jouait La Belle aux cheveux d'or au théâtre et qui sera un temps bref la maîtresse de l'auteur, avant de le quitter pour son ami et poète également, Théodore de Banville. La question principale qui nous préoccupe ici est de savoir pourquoi Baudelaire s'adresse à elle sans aucune allusion sensuelle à la relation qu'ils entretiennent? Nous travaillerons également sur la forte musicalité du texte composé en vers impairs et rappellerons, à ce propos, ces vers de Verlaine, autre poète majeur du XIXème, De la musique avant toute chose, / Et pour cela préfère l'Impair ( extraits de L'art poétique, dans Jadis et Naguère).
[...] Le temps également fait son apparition avec les ans indiquant un endroit habité depuis longtemps, bien avant que les amants ne s'y retrouvent. Un endroit dont on s'occupe avec soin. Mais il faut noter aussi que cette chambre est préparée pour le poète et sa compagne, que quelqu'un s'en est occupé, dont l'identité demeure mystérieuse. Cette chambre est la leur, comme l'indique l'utilisation de notre mais cependant ce n'est pas eux qui se sont chargés de la décorer. De quoi s'agit-il alors? [...]
[...] C'est vers cet endroit que tend Baudelaire. Le mourir est ici synonyme d'un lieu tellement parfait qu'on ne saurait souhaiter de possibilité de retour, un havre de paix où l'homme se met à l'abri de la vie. Le poète invite donc sa compagne à se retirer du monde ambiant pour un ailleurs idéal. Au pays qui te ressemble! À nouveau ce mouvement d'aller et retour. D'abord Baudelaire invite Marie Daubrun à s'échapper là-bas pour la ramener finalement à elle- même. Comment expliquer cette nouvelle antithèse? [...]
[...] Qui parlerait d'un voyage réussi, s'il ne rencontrait que des personnes avec qui il n'ait rien en commun, ainsi que pour les paysages? Il s'y trouverait perdu, malheureux. Nous voyageons donc paradoxalement parce que nous sommes en quête de nous-mêmes, ce qu'on retrouve dans l'expression de voyage initiatique. Le mouvement pris par le poème est donc un mouvement circulaire, il fait une boucle, part de la jeune femme pour revenir à elle. Et quelle connotation peut-on trouver à un mouvement circulaire? [...]
[...] Le rapprochement soleils mouillés / yeux / brillants à travers leurs larmes est rendu ici explicite. Il faut, à cet endroit du poème, rappeler la profession de Marie Daubrun. Elle est comédienne, et joue La Belle aux cheveux d'or au théâtre de la Porte-Saint-Martin en 1848. Or, qu'est-ce qui caractérise la profession de comédien, sinon de jouer un rôle. On peut se demander, ici, si les larmes de la jeune femme ne sont pas factices, si elle ne fait pas semblant, pour amadouer le poète, pour le séduire. [...]
[...] La destination du voyage n'est pas déterminée, le poète reste flou. Le terme là-bas ainsi que les termes brouillés mystérieux etc., que nous verrons plus loin, renvoient au champ lexical du mystère, à une atmosphère propice au rêve et chère à l'enfance. Le terme ensemble renforce encore ce lien de possession qu'entretient le poète pour la destinataire. Aimer à loisir Le champ lexical de l'amour avec les termes : Mon Ma douceur ensemble aimer charmes etc. Cet amour particulier que nous cherchons encore à déterminer, possessif, chaste, l'amour d'un père pour sa fille, d'un grand-frère pour sa sœur? [...]
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