Publié en 1947, L'écume des jours est un roman qui a marqué des générations de lecteurs. Bien que soutenu par des auteurs tels que Queneau ou Sartre, il n'avait pourtant pas trouvé son public du vivant de Boris Vian. Aujourd'hui, son originalité et sa séduction ne sont plus à prouver. A l'aide d'une écriture vive et légère, l'auteur met en scène les aventures quotidiennes d'un jeune homme et de ses amis dans un Paris onirique et déroutant. C'est à partir de cet univers allégorique, à la fois féerique et tragique que s'élabore l'entreprise générale de subversion qui est propre à ce roman. Vian était un homme très cultivé et il semble avoir réutilisé ici quelques sources de son inspiration littéraire. L'apport de cet héritage culturel est pourtant traité d'une manière spéciale, bien que réutilisant différents thèmes et différents éléments appartenant aux œuvres de ses prédécesseurs, l'auteur s'est attaché à briser les catégories ordinaires de la perception et de l'entendement et à créer un monde à part.
Il s'agira alors de voir dans quelles mesures les diverses allusions savantes et les références présentes au sein de L'écume des jours, constamment parodiées, témoignent du recul de l'auteur face à tout un héritage littéraire qu'il intègre pourtant à sa propre création.
Et en quoi ce dépassement, cette poétisation des références et du réel permettent l'élaboration d'une œuvre hybride, moderne et donc unique en son genre?
Le roman repose tout entier sur la dynamique de l'hybridité. En effet, se juxtaposent constamment le sérieux et le burlesque, le tragique et le grotesque.
[...] Dans ces cas là, il ne s'agit pourtant pas, à proprement parlé, d'étudier le rapport d'un texte à un autre : un tableau ne pouvant pas être considéré comme un véritable texte Cependant, dans certains cas, le rapport de l'écriture à une autre forme d'art est si fort, si complet et si vital pour l'œuvre dans sa totalité qu'on ne peut le reléguer à un plan inférieur. C'est le cas de L'écume des jours où la musique, et principalement le jazz, occupe une place fondatrice. L'histoire d'amour entre Chloé et Colin en est par exemple indissociable. [...]
[...] Il conserve donc une dimension ludique aussi bien dans la forme que dans le fond et cette vision des choses correspond bien finalement à l'œuvre de Boris Vian. Même s'il décrit parfois des univers cruels et cauchemardesques, son propos ne peut pas être qualifié de purement idéologique,car,comme on l'a dit plus haut, la littérature de Vian n'est pas une littérature engagée comme pouvait être celle de Zola à son époque. Les romans de Vian sont en effet plutôt allégoriques, ils peuvent parler du réel mais, le plus souvent, ils s'en écartent ouvertement. [...]
[...] Nicolas fait souvent référence au livre de cuisine de Gouffé : -Il en est question à la page 638 de son Livre de cuisine. Je vais lire à Monsieur le passage en question» [EJ p.23] et fait découvrir à Colin le passage concernant le pâté chaud d'anguille qui figure véritablement dans l'œuvre du célèbre cuisinier. L'auteur avait de l'estime pour l'œuvre de celui qu'on surnommait : l'apôtre de la cuisine décorative Cette étrange référence revient plus tard dans le roman, sous forme d'une recette de cuisine beaucoup plus farfelue, de la création de Vian cette fois et qui commence ainsi [EJ p.48] : - Je resterai, une fois de plus, dans la tradition de Gouffé en élaborant cette fois un andouillon des îles au porto musqué. [...]
[...] Cette génération y voit le symbole de la résistance aux nazis et la révélation d'une nouvelle forme artistique bouleversante. L'univers de Colin est très musical, même avant sa rencontre avec Chloé, le jazz est un fil conducteur qui rythme toutes les situations : les fêtes, les rencontres et même les beuveries surréalistes. Quant au personnage de Chloé, de par son nom il est d'emblée lié à la musique dans laquelle l'auteur semble avoir trouvé une bonne partie de son inspiration. [...]
[...] La musique semble donc faire partie intégrante de l'œuvre puisqu'elle accompagne les personnages dans les moindres de leurs mouvements. On a souvent écrit que L'écume des jours avait des caractéristiques proches de celles d'un scénario de film et avec de telles précisions musicales, les titres des morceaux écoutés par les personnages étant toujours donnés avec exactitude, il serait facile d'élaborer la bande originale d'une possible adaptation au cinéma. La force du roman vient aussi de là : sa nature universelle, son univers non cloisonné donnent une grande liberté de lecture. [...]
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