On parle peu de féérie à propos du théâtre. On évoque quelquefois ce mot dans son sens le plus large, mais on hésite souvent à s'arrêter à celui-ci ; il reste, aux yeux des critiques, un accessoire et rien de plus. Pourtant le monde giralducien, au regard des deux pièces que sont Intermezzo et Ondine, laisse une impression de légèreté, de merveilleux, de transparence.
Mais qu'est-ce que la féérie ?
[...] Et si Giraudoux a écrit, le théâtre, c'est d'être réel dans l'irréel c'est aussi pour indiquer qu'il y a dans la féérie une réalité, comme il y a une réalité de la féérie. Marie Françoise Christout : Le Merveilleux et le théâtre du silence. Victor Henry Debidour : Jean Giraudoux. Jacques Robichez : Le théâtre de Giraudoux. Gaston Bachelard : La Terre et les rêveries du repos. R M Albéres : Esthétique et morale chez Jean Giraudoux. Pierre-Henry Simon : Théâtre et destin. [...]
[...] Christout avait remarqué combien la féérie est nourrie par la rêverie. N'est-ce pas un amour de rêve qu'évoque le dramaturge, où il suffit d'une rencontre pour atteindre l'idylle? Colette Weill souligne que le spectre n'est qu'un des aspects de l'âme d'Isabelle. C'est d'ailleurs pour cela que Louis Jouvet proposa que le rôle du spectre soit tenu par une jeune fille. Quant au chevalier, il avoue lui-même : je suis dans un rêve. C'est qu'il n'est rien de plus proche de l'onirisme que la féérie. [...]
[...] Deux semaines se passent entre le premier acte d'Intermezzo et le second. Seulement ce temps-là n'est accessible qu'aux Élues On sait parfaitement que si Isabelle avait franchi le seuil fatal, le temps se serait arrêté à jamais. Le lendemain recommencerait le même présent avec le spectre. Et Ondine, à la fin de la pièce, fait exactement la même remarque à propos du chevalier qu'avant son oubli : Qu'il me plait! . Ce qui caractérise la féerie, c'est l'éternel recommencement de ce présent. La mort aussi prend un autre sens. [...]
[...] Ce monde, après tout, n'est pas si différent de celui que nous désirons, et, selon Bachelard, imagination et volonté sont liées. Ce monde merveilleux, gai, sensuel, ouvert et attirant, devient une réalité. Chris Marker a montré que c'est dans la fiction que Giraudoux est le plus réaliste. Giraudoux avait bien compris que la féérie est une autre réalité, plus simple, plus poétique, et par surcroît plus désirable. Elle est une nécessité : Intermezzo, dit Pierre Henry Simon, nous enseigne que la vie ne suffit pas sans le rêve. On pourrait en dire autant d'Ondine. [...]
[...] La langue de Giraudoux est à la fois lyrique et métaphorique, et la sensibilité y est toujours présente. Il faut ainsi suggérer la poésie au spectateur, aller chercher son imaginaire. C'est ce que voulait faire comprendre MF Christout : La transposition scénique, écrit-elle, sied au récit féérique qui fait souvent appel à l'enfant sommeillant au fond du spectateur. L'acteur est alors un inspirateur. C'est aussi pour cela que le mot comprendre n'est pas essentiel dans ce théâtre, car la féérie et l'image ne se comprennent pas, elles se rêvent. [...]
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