Le livre proposé à l'étude dans cette fiche est le Livre Interdit de Jean-Christophe Abramovici, paru en 1996 (époque de la banalisation de la monstration en tous genres : sexe, violence…). L'auteur est Professeur à l'université François-Rabelais de Tour. Il se penche ici sur la question l'obscénité depuis Théophile de Viau jusqu'à Sade, thème de l'obscénité dans la littérature que l'auteur connaît bien comme en témoigne ses ouvrages sur la question (Obscénité et Classicisme aux PUF, ainsi que des préfaces de livres érotiques). Dans cet ouvrage, l'auteur se propose de présenter une anthologie de textes ayant rapport avec les livres « infâmes » ou obscènes. Ces textes sont des explications, des éclaircissements, et des dénonciations sur le thème de l'obscénité afin de faire comprendre les raisons d'un combat contre l'obscénité dans la littérature, les abus de ces combats et aussi l'inefficacité relative de ce combat.
De manière plus précise, il convient de dire que J-C Abramovici s'intéresse à la place de la littérature clandestine (c'est-à-dire obscène et qui peut porter atteinte aux mœurs par la corruption) dans l'Histoire (ici de 1600 à 1800 environ). Cette thématique qui peut paraître obsolète (en effet, il est bien rare que l'on s'offusque de livres obscènes aujourd'hui) a néanmoins un grande valeur d'actualité dans nos sociétés, je m'explique : aujourd'hui encore, on constate un malaise, une gêne face à l'obscénité, quelle qu'elle soit. L'obscénité relève et a relevé dans l'histoire du domaine de l'indicible, de l'innommable. En effet l'obscénité est considérée comme un danger imminent, l'ennemi numéro un de l'intégrité des mœurs. Néanmoins malgré l'évolution des sociétés, il étonnant de voir que la littérature infâme était toujours jugée en 1957 avec des principes des XVII et XVIII siècles, à savoir la censure. Cette censure qui semble aujourd'hui appartenir au passé (mais elle est toujours en application dans les régimes dictatoriaux : Versets Sataniques de Salman Rushdie) est cependant présente dans un domaine intellectuel. On peut ainsi dire que les juridictions ont changé mais pas vraiment les modes de pensées. L'auteur prend pour exemple le manque de clarté dans le nouveau code pénal entre violence, pornographie et « atteinte à la dignité humaine », c'est aujourd'hui encore le temps des amalgames et c'est précisément ce que dénonce J-C Abramovici. Une des preuves les évidentes de l'amalgame est sans doute l'absence de nuance concernant le mot « obscénité » même.
Qu'est ce que l'obscénité ? Une question difficilement résoluble qu'on a tenté par le passé de compenser par des systèmes de classement (qui se sont révélés inefficaces et fallacieux) mais aussi par un certain « laxisme sémantique ». Pour exemple, le mot obscénité, selon Jacques Braudillard, est plurivoque : il peut désigner les tabous liés à la sexualité mais aussi la culture moderne de la monstration et donc relever plus du caractère de l'indécence (c'est l'exemple de la Shoah). Il y a toujours eu une volonté de trouver une borne de l'acceptable pour l'obscénité (on peut penser au tableau de Courbet, l'Origine du Monde), allant de la plus pure intolérance (censure et autodafé) à une tolérance mal assumée (les livres érotiques ne sont jamais mis en valeur dans les vitrines) en passant par l'acceptation de l'obscénité mais une cachée et étouffée (Les Enfers de la Bibliothèque Nationale).
L'auteur montre aussi par son travail pourquoi l'obscénité gêne et est considérée comme corruptrice. Ce thème est une problématique essentielle du livre qui est fournie non par les explications de l'auteur mais par le plaidoyer des opposants à l'infâme. On parle du pouvoir de l'infâme, sa potentielle influence sur la société, d'où lui vient cette puissance qui choque les âmes puritaines ? C'est ce que J-C Abramovici veut aussi montrer en exposant les thèses des opposants. Ainsi « Le livre infâme tient moins à l'objet dont il tente de rendre compte qu'aux effets et raisonnements qu'ils convoquent ». Tel est la puissance de l'obscénité tant redoutée par les puristes. C'est la subjectivité du lecteur qui est la cible de obscénité et qui est susceptible d'être pervertie. L'obscénité est le malaise d'un spectateur devant la faillite d'un sens et la perte de ses propres repères. Hier ce fut la sexualité qui fut mise en cause, aujourd'hui les abominations de notre Histoire (exemple du procès de Heinrich traité par Arendt).
Quelle est la place et comment a survécu le Livre Interdit par delà plusieurs décennies en assumant son caractère obscène et immoral ? Comment la littérature a-t-elle permis l'indicible ?
[...] De plus on sent bien l'esprit des Lumières qui commencent à se manifester, à savoir la notion de liberté. Diderot lui aussi se pose comme défenseur de libéralisation de la censure, bien qu'il soit un farouche opposant au livre pornographique. Cependant il énonce la nécessité des permissions tacites, dans la mesure où la censure n'empêche pas la prolifération des livres obscènes et provoque la faillite des libraires qui ne peuvent vendre ces ouvrages, concurrencés par divers colporteurs. Le temps des classements semble donc avoir débouché sur un temps de la libéralisation, cependant non pas pour promouvoir le livre obscène mais supprimer une censure inefficace et donc inutile. [...]
[...] Le texte érotique quant à lui prétend être un relais suggestif. Il distingue les auteurs obscènes et dissolus (exemple de Histoire de Dom Bougre, portier des chartreux) des auteurs voluptueux (qu'il estime ayant beaucoup d'esprit). Un classement de la Mettrie qui se fait sur les réactions de lectures : originalité de la pensée. Le relativisme de l'impureté est explicité par Bayle, celui-ci estime que l'impureté ne dépend que du point de vue, une pensée qui va ouvrir sur celles de Malesherbes. [...]
[...] Quelle est la place et comment a survécu le Livre Interdit par delà plusieurs décennies en assumant son caractère obscène et immoral ? Comment la littérature a-t-elle permis l'indicible ? J-C Abramovici propose de partager la période étudiée (de T. de Viau à Sade) en quatre temps : Le Temps des Procès Le Temps des Analyse Le Temps des Classements Le Temps des Amalgames La partition ainsi établie semble judicieuse car elle permet de voir l'évolution du livre infâme au sein de la société pendant une période donnée. [...]
[...] On peut ainsi dire que les juridictions ont changé mais pas vraiment les modes de pensées. L'auteur prend pour exemple le manque de clarté dans le nouveau code pénal entre violence, pornographie et atteinte à la dignité humaine c'est aujourd'hui encore le temps des amalgames et c'est précisément ce que dénonce J-C Abramovici. Une des preuves les évidentes de l'amalgame est sans doute l'absence de nuance concernant le mot obscénité même. Qu'est ce que l'obscénité ? Une question difficilement résoluble qu'on a tenté par le passé de compenser par des systèmes de classement (qui se sont révélés inefficaces et fallacieux) mais aussi par un certain laxisme sémantique Pour exemple, le mot obscénité, selon Jacques Braudillard, est plurivoque : il peut désigner les tabous liés à la sexualité mais aussi la culture moderne de la monstration et donc relever plus du caractère de l'indécence (c'est l'exemple de la Shoah). [...]
[...] On remarque différentes classifications : du livre d'amour à la pornographie. On opère souvent une classification binaire, mais celle-ci semble impropre car c'est un classement effectué en vue de délimiter les bornes du licite et de l'illicite comme l'explicite J-C Abramovici. Ceci étant, la société du XVIIIème est d'accord pour une condamnation unanime de lecture pornographique ; cependant il y a controverse sur le livre amoureux, il semble que son interdiction ne peut être compatible avec le domaine du politique, trop rigoriste mais uniquement de l'ordre du religieux. [...]
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