La littérature judéo-tunisienne de langue française fait partie intégrante bien évidemment de la littérature judéo-maghrébine , mais elle a un caractère spécifique dans la mesure où les pays du Maghreb, possèdent chacun, malgré tout ce qu'ils ont en commun, une histoire, une culture populaire et une langue parlée propres à chacun d'entre eux. Cette identité culturelle tunisienne, algérienne ou marocaine a fortement imprégné les communautés juives originaires de chacun de ces des ces trois pays et leur a donné une personnalité particulière à laquelle leurs membres se reconnaissent aisément .
L'un des traits caractéristiques de la littérature judéo-tunisienne de langue française, et surtout de la nouvelle génération des écrivains juifs tunisiens comme Claude Kayat, Gisèle Halimi, Georges Khaïat, Gilbert Chikly, Marco Koskas ou Colette Fellous, est sans conteste l'humour . Ce trait nous paraît différencier nettement leur inspiration de celles des autres écrivains originaires du Maroc ou d'Algérie , chez qui l'interrogation sur les origines demeure toujours aussi vive comme en témoigne la question que se pose Hélène Cixous: " Où sommes-nous, nous germes de Juifs, pendant le monstrueux saccage ? Jonas Cixous, truchement hispanoarabofrancophone, a-t-il trempé dans le sang ou dans le lait ? Où étaient les Safar, les Derrida ? Silence nous répond. [..] Selon mon père, nous fûmes plus arabes que français. Mais cela est une légende. Selon Jacques Derrida on ne saura jamais. »
[...] Leurs deux prisonniers furent exposés selon la volonté de Esther dans une grande cage, sur la place publique, comme les bêtes sauvages du cirque Amar. Pleine de gratitude pour les Français qui, grâce leur soit rendue, nous ont beaucoup gâtés : le train, la radio, la machine à coudre, Molière, Jules Ferry, Pascal et sa brouette (p.54) , Esther confie à son époux la mission de libérer leur ancêtre gaulois. C'est ainsi que David, aidé de Charles Martel, Roland, Bayard et des ses copains juifs et arabes de Sfax, parvient à défaire les légions romaines et à délivrer Vercingétorix : S'engage un combat cliquetant à l'arme blanche. [...]
[...] Tout cela pour des clous?" Grâce à Vercingétorix qui provoque une diversion, David, tout content de "donner un coup de pouce à l'histoire " (p.161), gravit son échelle en " sifflotant une romance tunisienne" - probablement Taht el yasmina fel Leil qu'il aime tant et arrivé au sommet de la croix, il s'adresse à des Jésus en des termes familiers qui rappellent le dialogue d'Esther avec le Seigneur:" - N'ayez crainte, rabbi, fit David, je ne vous veux aucun mal. Tel que vous me voyez, je suis un de vos coreligionnaires, même si je ne fais acte de présence à la synagogue qu'à Roch Hachana et à Yom Kippour. Mes excuses. Tout le monde ne peut pas être rabbin comme vous. Mais enfin entre Juifs, il faut s'aider puisque le ciel ne nous aide pas. ( . ) Bon, alors, je commence par les mains ou par les pieds? Ça vous est égal? Alors, va pour les mains. [...]
[...] (p.85) Dotée d'un naturel bon, elle prend en pitié toutes les victimes de l'Histoire, et décide, dans son délire, de leur venir en aide. Ayant perdu le sens de la chronologie, elle entreprend de remonter le cours du temps avec son héroïque époux pour venger les victimes de l'oppression, châtier les tyrans de tout le mal qu'ils ont causé aux hommes: Plus que les douze travaux d'Hercule, estime le narrateur, c'est là une lourde tâche digne d'un Sisyphe: En posture de cogitation profonde, Esther se dit que débarrasser le monde de toute sa vermine serait un travail d'Hercule bien plus ardu que nettoyer mille écuries d'Augias un vrai labeur de Sisyphe. [...]
[...] Comme elle avait entendu souvent son collègue Joseph Lebas, répéter, à propos des Juifs : Tous des Judas" (p.59), et que l'homme crucifié qui orne les églises lui a toujours fait énormément pitié, elle propose à son mari de se rendre à Jérusalemen pour mettre un terme aux souffrances du pauvre malheureux. En raison de l'importance de l'événement, David s'y prépare consciencieusement et va fourbir chez Ali Bou Hdid - qui porte bien son nom[33]- le forgeron sfaxien, d'immense tenailles, destinées à "décrucifier Yeoshua". Stavros le peintre en bâtiment prêta au tailleur "son échelle afin que celui-ci fût à la hauteur de la tâche" (p.161). [...]
[...] ma jeunesse de Georges Khaïat. Voir au sujet de l'humour juif Joseph Klatzmann, L'humour juif, Paris, P.U.F., «Que sais-je?» Signalons aussi L'Humour juif dans la littérature de Job à Woody Allen de Judith Stora-Sandor, Paris, P.U.F Guy Dugas, La Littérature judéo-maghrébin d'expression françaises/ Entre Djéha et Cagayous, L'Harmatton p Voir "Entretien avec Claude Kayat", in Expressions maghrébines, Barcelone Espagne/ Florida, State University, volume été 2006, p. 187-190. [...]
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