Il n'est d'époque, de lieu ou de culture sans que la littérature, le cinéma et l'art en général n'aient maintes fois prouvé que le monstre avait une place importante dans le domaine artistique, puisqu'il est à la fois le fruit de l'imaginaire et celui d'une fascination attrayante. Création, par l'imagination humaine, d'un "être matériel" que son créateur n'a pas pu rencontrer, le monstre se définit comme la différence par rapport à la perception que l'on a généralement du monde naturel. Contrairement aux paysages, aux portraits, aux nus et aux objets, les monstres ne peuvent pas être justifiés par la volonté de reproduire un réel préexistant à l'oeuvre (...)
[...] Ces êtres voués à la difformité font le plaisir des lecteurs en assouvissant leurs désirs cachés. Ces images de marginaux font fuir les gens, mais ces derniers connaissent une vie, une sensibilité et des sentiments qu'aucune autre personne ne peut connaître. Encore actuellement, le monde est attiré par ces créatures de science fiction, mais la vision de la monstruosité n'est plus aussi importante qu'autrefois, elle ne fait plus peur, elle ne suscite plus de craintes superstitieuses, anesthésiés que nous sommes par l'horreur et la cruauté des multiples conflits armés planétaires et la constante augmentation de la criminalité ! [...]
[...] Ayant perdu quatre de ses hommes, Ulysse prépare son évasion. Afin de rendre son ennemi moins alerte, il lui donne une barrique de vin très fort, pris chez les Kikones. Quand Polyphème demande à Ulysse qui il est, celui-ci lui répond Outis Personne Une fois le géant endormi, avec ses compagnons, ils aiguisent un énorme pieu, en chauffent la pointe dans la braise jusqu'à incandescence (on relèvera alors l'anachronisme, puisque les héros homériques ne sont pas censés connaître le fer) et l'enfoncent dans l'œil du Cyclope. [...]
[...] Puis ils meurent : ils ne sont plus qu'un monceau d'ossements putréfiés et de chairs racornies éprouvant ainsi dans toute sa force la puissance d'envoûtement de la poésie. Dans cet épisode, Ulysse court un péril grave, comme il n'en a jamais connu, pas même dans l'antre de Polyphème. Lui qui est l'incarnation de la mémoire, il s'apprête à oublier ; lui qui veut connaître, il découvre combien est terrible la faculté de savoir tout ce qui se passe sur la terre féconde ; lui qui charme, il apprend combien l'enchantement des Sirènes dépasse les facultés humaines ; lui qui veut être un héros épique, il comprend combien est ambiguë la joie d'en être un ; lui qui aime la vie, il comprend combien le désir de mort se cache aussi dans son cœur. [...]
[...] Leur fréquentation peut s'avérer extrêmement dangereuse : l'oubli ou la dévoration sont le lot de la plupart de leurs victimes. Si l'intelligence et la ruse permettent à Ulysse de remporter les premières de ces épreuves, il lui faudra très vite compter sur l'appui des Immortels qui ont décidé de l'aider, tels Circé ou Éole. Ce sont alors sa piété et son endurance qui lui seront du plus grand secours. De nos jours, les regards changent et évoluent selon les monstres. Ils peuvent passer de la peur à l'admiration, de l'exclusion à la recherche du plaisir. [...]
[...] Cette escale d'Ulysse symbolise un danger particulier : l'oubli. Marquant l'accès du héros aux mondes inquiétants et inconnus que son parcours va désormais avoir à affronter, l'accueil bienveillant des habitants qui offrent la délicieuse nourriture de l'oubli, le lotos symbolise la première étape d'une vie, celle de la défaillance de la mémoire. En effet, sur le périple d'Ulysse pèse le danger permanent de la perte du souvenir et de l'abandon du désir de retourner dans sa patrie natale. Pour être homme, il faut pouvoir surmonter l'oubli, se souvenir de soi et des autres Par la suite, ce rappel sera inscrit en filigrane dans toutes les aventures. [...]
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