« La question des relations entre « histoire et littérature », figure classique du dialogue entre historiens et littéraires, aboutit en général à une impasse ». Tel est le constat par lequel Judith Lyon-Caen et Dinah Ribard ouvrent leur synthèse sur « les manières de considérer le passé avec la littérature ». Cette impasse des relations entre histoire et littérature tend néanmoins à être dépassée par de nouvelles approches, tant littéraires qu'historiennes.
L'ouvrage analyse les différentes tentatives que fait l'histoire – des différentes périodes (antique, médiévale, moderne et contemporaine) comme de ses propres périodes ou écoles historiographiques – pour saisir la littérature dans ses travaux. « Le présent ouvrage se situe résolument du point de vue de l'histoire, mais d'une histoire qui ferait de la littérature non pas un réservoir de source, mais son objet même ». Voici la perspective que défendent les auteurs de l'ouvrage, toutes deux maîtres de conférences à l'Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).
Judith Lyon-Caen travaille en particulier sur les usages sociaux de la littérature au XIXe siècle. Elle a, à ce titre, publié un ouvrage sur Les usages du roman au temps de Balzac. Dinah Ribard a quant à elle pour domaine de recherche « le travail intellectuel de 1600 à 1900 ». Elle a consacré sa thèse au statut littéraire des philosophes à la fin de la période moderne de 1650 à 1766. Avancer que l'axe de recherche des deux auteurs à propos de l'histoire et de la littérature (considérer la littérature comme un objet de l'histoire) n'est pas partagé par l'ensemble de la communauté historienne est un euphémisme.
[...] Le rapport de la littérature au savoir est un troisième terrain de recherche envisageable. On a déjà vu les difficultés que posait la relation entre les deux termes. Leur identité conduit à flouer la frontière entre les disciplines scientifiques (sciences humaines) et la littérature, entraînant un certain nombre de dangers. Si tous les écrits sont des récits mythiques, on peut pousser cette tendance relativiste jusqu'à considérer sur le même plan les ouvrages d'histoire sur les camps de concentration et ceux des révisionnistes. [...]
[...] La théorie du reflet pourrait ainsi être une clé de compréhension de ces positionnements). Mais l'investissement politique de la littérature est aussi visible en dehors des périodes de crise. Travailler sur la littérature comme politique, c'est ouvrir la possibilité d'y répondre en étudiant la présence de la littérature dans les révolutions, mais aussi dans les contre-révolutions, dans les mouvements de politisation démocratique ou d'antidémocratique, mais aussi dans les régimes de dépolitisation Quid par exemple de la littérature engagée après la guerre d'Algérie au sujet du régime postcolonial ? [...]
[...] A l'inverse, Jauss, dans sa théorie de l'esthétique de la réception, et d'une façon plus poussée encore, Stanley Fish, considère que le lecteur a un rôle d'élaboration dans le sens qui est donné à l'œuvre. Stanley Fish considère même que ce sont avant tous les lecteurs qui font les livres Après avoir considéré la réception et le rôle (plus ou moins important) accordé au lecteur dans la construction du sens donné au texte, nous pouvons nous intéresser à un deuxième terrain possible, la vie sociale de la littérature. Ce domaine consiste à appréhender la place que prend le champ littéraire[34] dans la société. [...]
[...] Il émerge à partir du moment historique où les positions de ces agents dans la hiérarchie que leurs interactions dessinent, reconfigurent sans cesse, deviennent relativement autonomes par rapport aux positions qu'ils occupent dans la société dans laquelle le champ se développe Ibid., p 28. LYON-CAEN Judith et RIBARD Dinah, op. cit., p PERET Benjamin, à propos du culte des écrivains à la résistance, Ibid., p LIDSKY Paul, Les écrivains contre la Commune, Paris, Maspero 184p. Edgar Morin , Sur l'interdisciplinarité Bulletin Interactif du Centre International de Recherches et Études transdisciplinaires, HUGO Victor, Œuvres complètes, Paris, Club français du Livre LAFARGUE Paul, La légende de Victor Hugo, Paris, Les Mille et une nuits 86p. [...]
[...] Il n'en demeure pas moins que la méthode historique demeure l'un des appareils indispensables à sa compréhension. Cette figure dont parle Hugo, la figure du grand écrivain, figure à laquelle il aspire de toutes ces forces, n'est ainsi compréhensible qu'à la lumière de l'émergence du champ littéraire et de la figure du grand écrivain au cours du XIXe siècle. C'est en comprenant ce phénomène historique que l'on peut appréhender l'évolution d'Hugo et sa navigation politique au cours du siècle. La politique, si l'on veut bien lire l'ouvrage de Lafargue[40], s'avère également un outil radical pour comprendre le grand écrivain et les pressions politiques qui, à défaut de le déterminer, pèsent fortement sur lui. [...]
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