Dans Le Marchand de Venise, William Shakespeare énonçait « je tiens ce monde pour ce qu'il en est : un théâtre où chacun doit jouer son rôle ». Ainsi, par sa vision particulière d'un monde illusoire qui à l'instar d'un Sigismond dans La Vie est un Songe accordant à chaque être humain un rôle dans lequel il est ancré et qu'il joue inconsciemment, Shakespeare assure une dimension universelle du théâtre, devenu finalement le lieu de représentation de la grande comédie humaine qu'est la vie quotidienne. Mais si la vie n'est qu'une pièce de théâtre, alors le théâtre ne devrait-il pas jouer un rôle tout autre ? Ne peut-il pas transporter le spectateur hors de la vaste comédie qu'est sa vie ? Ici réside peut-être l'intérêt d'une pièce historique telle que Henry V genre particulièrement prisé par William Shakespeare qui a pour vocation d'emmener le lecteur et le spectateur vers une réalité dépassée, révolue mais qui, par sa grandeur épique envoûte le lecteur et l'emporte hors de sa pensée. Cependant, est-ce vraiment son interprétation particulière du monde qui a poussé William Shakespeare à se tourner vers l'écriture de pièces historiques et, particulièrement vers l'écriture des deux tétralogies composées, pour la première des pièces Richard III et Henri VI et, pour celle qui constitue la « préquelle » à la première, des pièces Richard II, Henri IV et, celle qui nous intéresse ici, Henry V ?
William Shakespeare est né en avril 1564 dans le Warwickshire en Angleterre. Le milieu confortable dans lequel il naquit le conduisit vraisemblablement à fréquenter, après le niveau élémentaire, l'école secondaire « King Edward VI » au centre de Stratford, où l'enseignement comprenait un apprentissage intensif de la langue et la littérature latine, de la logique, de la rhétorique mais aussi et surtout de l'Histoire. Shakespeare devient acteur, écrivain et exerce d'abord au Globe, dont il est, avec les Burbage et d'autres comédiens, fondateur, sociétaire et fournisseur, membre de la troupe de lord Strange, puis de celle de lord Hunsdon, The Lord Chamberlain's Men, pour laquelle il écrit exclusivement depuis 1594.
[...] Ainsi, Shakespeare reste- t-il entièrement fidèle à l'Histoire ? Dans un premier temps, le choix même de prendre le contexte de la bataille d'Azincourt permet à Shakespeare de répondre aux attentes des lecteurs (et de la cour), c'est-à-dire glorifier le royaume d'Angleterre tout en respectant les codes de la pièce historique, à savoir la fidélité aux faits. C'est pourquoi on peut affirmer que, même si Shakespeare arrivera à rester fidèle à l'Histoire, son choix a d'abord été fait en fonction de son objectif final et donc, finalement, s'il n'a pas besoin de transformer les faits pour les mettre à son avantage, ceci n'est pas dû au hasard mais bien à un calcul de Shakespeare. [...]
[...] De l'Antiquité au Moyen-Âge, le héros traduisait principalement un idéal lié à l'art de la guerre. Etant généralement l'un des uniques rescapés ou mourant après moult aventures, il était un surhomme. Ses capacités physiques, ainsi que l'aide divine apportée prévalaient sur les autres facettes du caractère. Cependant, dans son œuvre, Shakespeare ne prête pas de qualité surhumaine à son héros : c'est la dimension humaine qui intéresse l'auteur ici ; c'est un prélude à l'humanisme. Mais Henry V est-il un surhomme sur le plan moral, c'est-à-dire un grand homme ? [...]
[...] Mais c'est lui qui est pris de doutes et en appelle au Dieu des batailles. Le lendemain, il a retrouvé confiance en lui et harangue vigoureusement ses troupes. Malgré leur infériorité numérique, les archers anglais battent les chevaliers français à Azincourt, victoire offerte par le roi à Dieu. Dans un contexte où Le sentiment patriotique a atteint son paroxysme en Angleterre après la défaite de l'Invincible Armada en 1588, le théâtre anglais reflète cet enthousiasme et l'engouement du public pour les pièces historiques. [...]
[...] Ainsi, Shakespeare souhaite propager un sentiment d'union de tous les peuples de l'Angleterre. Ainsi, Shakespeare diffuse une idée de rassemblement populaire autour de la grandeur de l'Angleterre, grandeur qu'il défend à travers son œuvre par l'intermédiaire de la figure omniprésente du roi Henry V qui, par ses talents de meneurs, unifie les peuples anglais autour de lui face à l'ennemi français. Pour cela, Shakespeare utilise des faits historiques bien précis mais cependant, à vouloir exalter le patriotisme en nous tous, ne tire-t-il pas les faits à son avantage, ne se détourne-t-il pas de la réalité ? [...]
[...] Le rôle du roi Henry V dans ce dessein est ici considérable. Shakespeare le fait en effet apparaître comme une figure emblématique de l'Angleterre, une figure mythique adorée par le peuple. Cette adoration anime le soutien de tout un peuple au roi, d'un peuple uni face au danger. En effet, Shakespeare se base sur des réalités historiques avérées pour construire ses dialogues, en faisant référence par exemple à la grande bataille de Crécy dans la Scène 2 de l'Acte épisode glorieux de l'armée anglaise vainqueur de l'armée française. [...]
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