Henri Michaux, Marianne Béguelin, littérature, créatures animales, psychanalyse
Marianne Béguelin voit en Michaux une lutte intérieure continuelle entre dominant et dominé, c'est sur ces deux thèmes antagonistes qu'elle définit la poésie de Michaux .
En premier lieu, l'analyse qu'elle fait est tout à fait recevable, et par quelques exemples ce qui porte sur les aspects évoqués dans le recueil Plume.
Bien sûr Michaux aborde d'autres thèmes, sous d'autres formes que celles décrites par Marianne Béguelin.
Le fait que de nombreux exemples ne s'accordent pas à l'image qu'elle dresse de la poésie de Michaux nous amènera donc à établir une critique de l'analyse de Marianne Béguelin, et proposer une représentation élargie de la poésie de Michaux.
[...] Marianne Beguelin lit en l'auteur alors qu'il s'agit en littérature de lire l'auteur avant tout. L'analyse littéraire doit extraire les idées et non servir à en appuyer d'autres, rappelons le. Son interprétation psychologique n'est pas éroné, mais elle éloigne des merveilles, des jouissances, de l'analyse littéraire. [...]
[...] Plume étant un exemple probant, comme nous l'avons vu, condamné à mort car il dormait, victime d'agents de police zélés, puis tueur de Bulgares, arracheur de têtes dans «L'arrachage de têtes», puis violé par des prostitués, à nouveau assassin et cette fois si couvert par la police cherche querelle à Plume»). Les pérégrinations de Plume évoquent à eux seuls cette «polarisation» dont parle Beguelin à propos de ces poèmes se distribuants chants guerriers et plaintes accablées». La particularité de l'analyse de Beguelin réside dans le fait qu'elle estime ces relations s'étant «établie à l'intérieur de l'auteur» qui est lui même «pris dans ce filet de haine». [...]
[...] Du narrateur du poème bourreau», dénué de morale (mais non pour autant immoral) regrettant de ne pas avoir coupé une tête, à A. dans portrait de qui est une boule, en passant par cet homme de «Vision» qui se voit pousser dix-huit bras au cours de ses ablutions. Quand aux animaux, on les voit apparaitre tout au long de l'ouvrage, que ce soit ce dont naquis Pon au fil du poème «Naissance», ou dans «Animaux fantastiques» où la densité de créatures animales atteint son paroxysme. [...]
[...] Il apparait clairement qu'il n'est donc pas «dominé» par l'écriture, comme le laisse entendre Marianne Beguelin, ce que nous verrons maintenant. Si on doit reprocher quelque chose à Marianne Beguelin, c'est donc d'avoir privilégié une approche psychologique de Michaux, et cela sans doute afin d'appuyer son idée première qu'elle avait de lui, c'est à dire qu'il est un poète de la domination-soumission. Or le premier attribut du génie est le polymorphisme, et ainsi Michaux n'est pas réductible à une seul thématique, à un seul de ses visages de poète. [...]
[...] Mais ceci n'est pas de la littérature au sens propre, il convient de le rappeler. Comme nous l'avons vu, Marianne Beguelin évoque relation dominant dominé [qui] s'est établie à l'intérieur de l'auteur», «extrospection» ô combien prétentieuse si Marianne Beguelin ne s'était attaché à rappeler dans sa préface qu'elle analyse d'un point de vue psychologique, toujours l'auteur et jamais l'homme. Et même si l'on considère l'écriture, dans la ligné de Proust, comme moyen d'atteindre le «moi profond», ce moi n'est pas fixe et encore moins réductible à un seul concept, d'autant que Michaux le rappelle lui même dans sa postface : n'est pas un moi». [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture