Logique d'ensemble. Droit, législation et liberté est un ouvrage systématique qui relève plus de la philosophie sociale que de la pure économie. Le premier tome s'attache ainsi à établir une distinction claire et fondamentale entre deux visions globales de la société et des hommes et à montrer en quoi l'une d'entre elles a conduit à la dénaturation du Droit du fait de son incapacité totale à s'émanciper de son anthropomorphisme. La deuxième partie utilise l'analyse précédente de la société, du droit et de la justice pour démontrer la vacuité du concept de justice sociale et dénoncer les conséquences catastrophiques que l'intervention de l'Etat dans l'économie peut avoir sur la démocratie et les libertés individuelles (...)
[...] Pourtant, selon Hayek, cette dernière revendication est aussi nuisible qu'elle paraît noble. Le mérite, tout d'abord, ne peut pas s'apprécier précisément, et son évaluation ne pourrait jamais faire l'objet d'un accord unanime entre les membres de la société. Deuxièmement, il paraît évident que le mérite n'entre que dans une part très relative dans l'explication de la situation économique de chacun : si l'on prend l'exemple d'un agriculteur ayant durement travaillé toute l'année, mais dont les récoltes ont été complètement détruites par la grêle, on se rend compte que sa situation après l'averse est tout à fait malheureuse, mais qu'il est impossible de le rémunérer selon son mérite, c'est-à-dire en faisant abstraction de la réalité et en lui reversant une somme d'argent correspondant à la recette qu'il aurait engrangée si tout s'était passé selon ses prévisions. [...]
[...] Un renversement malencontreux, consistant non plus à qualifier de législature l'organe qui exprime les lois, mais à qualifier de lois les actes pris par l'organe souverain, a conduit au fait que toute mesure adoptée par une majorité est considérée comme une loi juste à laquelle il est nécessaire d'obéir. Autrement dit, alors que l'Etat procédait du Droit, il est aujourd'hui communément accepté, à tort, que tout ce qui émane de l'Etat est du Droit. Ainsi, un même organe peut à la fois édicter des mesures générales et abstraites, qui s'apparentent aux règles de juste conduite, et des mesures particulières visant des objectifs précis. [...]
[...] John Rawls considère d'emblée que les hommes sont libres et égaux, ce qui signifie, selon ses propres termes, que chacun est capable de comprendre et d'accepter les principes de justice, de développer une conception propre du bien et de s'engager dans une coopération sociale équitable Hayek ne consacre pas de développement particulier au sujet de l'égalité entre les hommes, si ce n'est pour dire que certains sont plus doués que d'autres et s'adaptent plus rapidement aux changements de circonstances. Toutefois, rien ne permet de supposer que Hayek s'oppose radicalement aux postulats de Rawls, bien au contraire, puisque selon lui les hommes peuvent s'engager, si ce n'est dans une coopération équitable du moins dans une société structurée par des règles de juste conduite. Rawls, comme Hayek, défend la démocratie. Rawls distingue très clairement une société d'une organisation puisque les individus ne sont pas libres de faire partie de telle ou telle société. [...]
[...] C'est pourquoi, loin de n'exposer que ses thèses économiques, Hayek les insère dans son ordre global, ou plutôt les extrait logiquement de son raisonnement précédent. Son système repose sur trois points essentiels : la nature limitée de l'homme, la nécessité absolue de protéger la liberté individuelle et la nécessité de trouver un système économique capable de faire prospérer la société dans son ensemble. La nature limitée de l'Homme Hayek affirme sans ambages que les capacités intellectuelles de l'homme étaient, sont et demeureront extrêmement limitées, ce qui explique l'échec inéluctable de l'application des théories reposant sur le rationalisme constructiviste. [...]
[...] Hayek rappelle que le vrai Droit, le droit privé, concerne les relations humaines et s'est développé sans que les hommes sachent véritablement pourquoi. L'autorité, dans chaque société, est obéie dans la mesure où elle se montre capable d'exprimer ces règles de juste conduite, de créer de nouvelles règles si des faits nouveaux le rendent nécessaire et si celles-ci sont cohérentes avec le système préexistant, et surtout si elle parvient à maintenir l'ordre spontané en imposant le respect des règles de droit. [...]
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