S'agissant du récit du procès d'Eichmann, ancien fonctionnaire nazi enlevé en Argentine pour être jugé en Israël, que Hanna Arendt a documenté pour le journal américain The New Yorker, on peut résumer l'ouvrage autour de trois thèmes qui ont ressuscité un vif débat non seulement parmi la communauté juive mais dans la société entière.
La description du tribunal constitue le premier chapitre du livre. Hannah Arendt porte un regard critique sur le déroulement du procès en accusant le gouvernement israélien de transformer une procédure juridique en événement médiatique (...)
[...] Agissant comme bon fonctionnaire, il ne s'est pas posé de questions sur la moralité de ses actes. Dans ce cadre se pose aussi la question de la responsabilité du peuple allemand. On n'a pas besoin d'être un monstre ou d'avoir des prédispositions particulières pour organiser ou pour laisser faire des actes monstrueux. Par conséquent tous les hommes sont capables de commettre les crimes les plus atroces. Elle se refuse cependant de dénoncer une culpabilité collective des Allemands : comme le montrent de nombreux exemples, les individus ont toujours la possibilité et même l'obligation de juger leurs actes et d'assumer la responsabilité des conséquences qui en découlent. [...]
[...] La description du personnage d'Eichmann commence par son comportement mais surtout par sa biographie. C'était plutôt un hasard qu'il devint fonctionnaire du parti national-socialiste. Mais l'auteur s'acharne surtout sur le fait qu'Eichmann n'était pas un monstre comme le voulaient voir nombre d'autres journalistes. Plusieurs psychologues avaient conclu qu'il avait un habitus tout à fait normal, sans déformation expliquant son comportement ultérieur. Il était simplement un petit bourgeois, qui n'était pas trop doué, et qui n'était nullement convaincu par l'idéologie nazie. [...]
[...] D'autres auteurs lui reprochaient de ne pas être assez rigoureuse et exhaustive quant aux faits et descriptions historiques. Cependant ce n'était pas son but d'écrire un manuel historique et il s'agissait de son début dans ce genre littéraire. Ses propos controversés avaient comme conséquence qu'Arendt fut longtemps une inconnue en Israël et qu'il a fallu plus de trente ans avant que Eichmann à Jérusalem ne fût traduit en hébreu. Cependant la discussion sur la banalité du mal est encore d'actualité aujourd'hui et a refait surface à maintes reprises. [...]
[...] Hannah Arendt donne une vision très détaillée du développement de la stratégie du gouvernement nazi face à la solution du problème juif. Si au début l'émigration de la population juive est retenue comme la solution idéale, notamment par Eichmann qui a étudié Der Judenstaat de Herzel, livre clé du sionisme, au cours du temps, tandis que l'opposition des pays d'accueil montait, l'extermination systématique des juifs allemands et résidants dans les pays occupés était ordonnée par les dirigeants nazis. En montrant le rôle joué par Eichmann, ses déplacements, ses promotions, l'auteur montre la responsabilité de l'accusé d'une façon nettement plus nuancée que celle de la cour. [...]
[...] D'autre part, il n'est pas décrit comme un homme très intelligent. Bien qu'il aurait pu se poser davantage de questions surtout d'ordre moral sur son travail, il ne l'a jamais fait. Il cite l'impératif catégorique de Kant mais en ne l'appliquant qu'à l'exécution des ordres reçus d'en haut et non pas sur l'évaluation morale de ses actes. C'était ainsi qu'il se voyait libéré de l'obligation d'examiner ses actes en fonction de leur moralité, un ordre de Hitler étant pour Eichmann par nature conforme aux exigences des normes morales. [...]
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