« Vendémiaire » est le dernier poème de la section Alcools, qui s'était ouverte par « Zone ». Tout comme « Zone », ce poème est emblématique de ce que l'on pourrait appeler chez Apollinaire, tout particulièrement dans Alcools, une écriture de la modernité. Par écriture de la modernité, il faut entendre une écriture qui se donne comme objet à la fois de célébrer l'avènement d'un monde nouveau, et en même temps de trouver les moyens esthétiques et formels qui permettent à la poésie de s'inscrire dans cette modernité. Tandis que « Zone » évoquait longuement un passé plus ou moins autobiographique, où c'était la voix du sujet lyrique qui prédominait, « Vendémiaire » laisse le sujet s'effacer davantage et donne la voix à une multitude de villes personnifiées et mouvantes qui sont caractérisées par un mouvement de convergence vers Paris. Le poème alors s'invente et se réinvente dans une célébration quasiment unanimiste de la ville et de la modernité, mais célébration qui, à l'image des réalités qu'elle évoque, s'écrit dans la complexité et l'ambivalence tant au point de vue thématique que formel.
[...] À la réalité moderne, complexe et mouvante, paradoxale et tissée de beauté autant que de laideur, le poème répond par un entrelacs de tonalités et de thèmes, de genres et de styles qui rend compte de cette complexité. Une écriture de la rupture et de la discontinuité Le poème, attentif au monde changeant et perpétuellement nouveau qui l'entoure, cherche à fixer cette réalité toujours nouvelle en une écriture sans cesse novatrice, et fondée sur la surprise. La versification est évidemment le premier aspect de cette volonté de répondre à la nouveauté du réel par une écriture novatrice. Et cela, comme toujours chez Apollinaire, signifie un dialogue constant entre tradition et modernité. [...]
[...] On peut voir ce mouvement final de réapparition du je de deux manières différentes qui sont probablement complémentaires. D'une part, on peut se dire que la célébration unanimiste de la convergence des villes du monde vers Paris ne peut se faire sans le poète, voire que cette convergence elle-même ne peut avoir lieu sans lui dans cette mesure, le poète, véritable démiurge, est celui qui a pouvoir de donner mouvement au réel et de lui insuffler la nouveauté poétique dont il a besoin. [...]
[...] Le premier quatrain par exemple est constitué de quatre alexandrins réguliers parfaitement coupés et césurés, dont les deux second proposent même une rime riche -iste doublée d'une paronomase triste / trismégiste Mais peu à peu, le système de l'alexandrin et de la rime réguliers se disloquent. La seconde strophe comporte cinq vers dont les deux premiers riment mal, les deux seconds ont des rimes pauvres, ou fausse pour le troisième, mais qui reposent sur l'assonance. Mais l'alexandrin demeure dans cette strophe parfaitement régulier. [...]
[...] La tonalité qui ouvre le poème par exemple est assez dysphorique, puisque évoquant les fins de rois qui à l'époque où Apollinaire écrit étaient d'actualité (on peut penser aux récents événements italiens, ou aux nombreux attentats qui dans toute l'Europe sévissent contre les personnalités royales), le poème emploie les qualificatifs de silencieux et tristes et qu'il ne leur refuse pas la grandeur, tout au contraire : Et trois fois courageux devenaient trismégistes Plutôt que d'offrir une célébration révolutionnaire de ces disparitions Apollinaire les envisage avec une certaine tristesse, ce qui ne l'empêche pas cependant de célébrer la démocratie : ô splendeur démocratique L'enthousiasme pour la modernité ne va donc pas sans sa part de douleur, comme le rappellent ces grappes de morts ou ces forêts de crucifix La modernité ici célébrée est donc paradoxale et complexe, et le foisonnement thématique rend compte de la complexité du réel célébré. Cette complexité, on la retrouve enfin au niveau du rôle du sujet d'énonciation dans le poème. Au début du poème, comme nous l'avons dit, le sujet semblait s'effacer pour laisser parler les villes et pour laisser libre cours à leur convergence vers Paris. Sorte de maître de cérémonies, il n'apparaissait que pour présenter l'arrivée d'un nouveau personnage- ville et lui donner la parole. [...]
[...] Guillaume Apollinaire : Vendémiaire Une écriture de la modernité Vendémiaire est le dernier poème de la section Alcools, qui s'était ouverte par Zone Tout comme Zone ce poème est emblématique de ce que l'on pourrait appeler chez Apollinaire, tout particulièrement dans Alcools, une écriture de la modernité. Par écriture de la modernité, il faut entendre une écriture qui se donne comme objet à la fois de célébrer l'avènement d'un monde nouveau, et en même temps de trouver les moyens esthétiques et formels qui permettent à la poésie de s'inscrire dans cette modernité. [...]
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