Peu mis en valeur dans l'imposante bibliographie de Jean Giono, Le grand troupeau se fait le témoin de la Grande Guerre telle que l'a vécue l'auteur. Construit à partir des souvenirs de ce dernier, le roman relate à la fois la vie au front et la vie civile, liant l'une à l'autre en permanence par le biais des lettres ou des pensées de ses personnages. Il montre ainsi que la guerre est partout, et que tous, civils comme soldats, en pâtissent ; comme l'a écrit un critique, « Le grand troupeau est à la fois la concrétisation du combat contre la guerre, jugée contre nature, et l'incarnation de la lutte pour la vie. » En fait de combat, il s'agit surtout de lutter contre les valeurs guerrières, contre le mal ; car la guerre bouleverse l'ordre établi, les valeurs, les repères. Elle va contre tous les principes essentiels des hommes et de la vie, et c'est en ce sens que l'on peut la qualifier de contre nature. Mais il faut également sauvegarder la vie, échapper à la destruction totale.
[...] Elle est surtout portée par l'image du pourrissement et de la viande : [les rats] mordaient dans l'œil, comme dans un petit œuf 116), les nerfs se tendaient dans la raideur des chairs pourries [ . ] et les ventres trop gonflés éclataient. 117). Giono évoque aussi la mécanique de la mort 117). Nulle part il n'a recours au pathos, au drame ; il présente la mort de façon froide, crue, suscitant le dégoût et la révolte chez le lecteur. C'est à travers l'émotion de ce dernier que ressort sa propre émotion, sa propre indignation. [...]
[...] Peu mis en valeur dans l'imposante bibliographie de Jean Giono, Le grand troupeau se fait le témoin de la Grande Guerre telle que l'a vécue l'auteur. Construit à partir des souvenirs de ce dernier, le roman relate à la fois la vie au front et la vie civile, liant l'une à l'autre en permanence par le biais des lettres ou des pensées de ses personnages. Il montre ainsi que la guerre est partout, et que tous, civils comme soldats, en pâtissent ; comme l'a écrit un critique, Le grand troupeau est à la fois la concrétisation du combat contre la guerre, jugée contre nature, et l'incarnation de la lutte pour la vie. [...]
[...] Mais elle a également un côté plus vicieux : la perversion qu'elle induit chez les hommes. Le roman dans sa globalité témoigne de la perte de repères engendrée par la guerre : sa construction ne repose pas sur des dates précises, tout juste sur des saisons ; seuls quelques noms tels que Verdun ou Santerre (chapitres 11 et 15) permettent approximativement de dater et situer les événements. Les personnages eux-mêmes sont pris dans un tourbillon d'incertitudes, dans le manque d'informations ; en témoigne la lettre de Joseph 70 à sans construction, où tout semble dit suivant le fil des idées. [...]
[...] Mais la mort est aussi présente à l'arrière, à travers la veillée à corps absent notamment 82). Giono nous fait partager ici la souffrance des civils, nous faisant ressentir son propre sentiment de détresse à l'égard de toutes ces morts, de toutes ces peines. La meilleure façon de combattre la mort, valeur guerrière suprême, était de donner ce combat à mener directement au lecteur, suscitant en lui révolte, dégoût et indignation. Ainsi, du côté des civils comme de celui des soldats, le combat contre la guerre elle-même est permanent, et se mène chaque jour par différents moyens, le rejet des obligations liées au conflit ou les tentatives d'oubli. [...]
[...] Cette tentative d'assassinat, violente et sournoise, avec une longue agonie, fait de Jolivet un barbare, à l'image de la guerre ; mais elle reflète aussi la situation des hommes, pris dans une guerre qui traîne en longueur et qui met tout, hommes, terres, nations à feu et à sang. La perversion touche aussi l'arrière, avec Julia par exemple : dans Sous la main gauche p 219, elle met fin à sa liaison avec Toine. Elle pour combler le manque dû à la guerre, trompé Joseph, et donc été détournée de la vertu. La guerre est donc, par de multiples aspects, une aberration ; elle efface les repères, comme elle mutile et pervertit les hommes. [...]
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