Dans une lettre à son ami Enrico Merlo, qui accompagnait un exemplaire dactylographié du Guépard, Lampedusa écrivait: « Fais attention: le chien Bendico est un personnage très important et il est presque la clé du roman. » Pourquoi Lampedusa accorde-t-il une telle place à un chien qui, à première vue, n'est que l'animal familier du Prince, parmi une assez longue liste qu'il se remémore sur son lit de mort, et qui va de Fufi, la chienne de son enfance, à Pop, le pointer laissé seul, en 1883, à la villa de San Lorenzo ?
[...] Imprévisible et sympathique, le dogue Bendico (p. si délicieusement balourd (p. 227), est à l'image du Prince, dont il est le fidèle compagnon: inconstant et dissipateur de richesses. Significativement, dans le jardin de la villa Salina le premier soir, Bendico dévaste les plates-bandes, brise les œillets (p. 15). Bendico, la consolation du Prince Bendico est le réconfort du Prince face aux soucis du jour et du temps: la scène du jardin, au début du roman, est révélatrice du rôle de Bendico pour don Fabrice (il distrait le Prince de ses sombres méditations sur la monarchie bourbonienne, médiocre et moribonde: quand Bendico pose ses pattes terreuses sur sa main don Fabrice se dit qu'il a l'air vraiment humain p. [...]
[...] Apparaissant aux moments stratégiques du roman, Bendico s'identifie aussi bien au blason des Salina, le guépard, dont il montre la décadence, qu'à Tancrède, enjoué comme lui, dont il représente, pendant cinquante ans, pour Concetta, le souvenir sacré. Bendico montre que le Guépard est un roman de la mort et de la désillusion, mais aussi de la nostalgie de la vie des nobles, ressentie par Lampedusa, et par son double partiel, le Prince de Salina qui, sur son lit de mort, placera Bendico dans le bilan positif de sa vie, juste après son cher Tancrède (p. 227). [...]
[...] qui le poursuit de ses jappements joyeux quand, le 12 mai, il part rejoindre les rebelles, et qui lui fait fête, à son retour à Donnafugata. Bendico, dans la passion malheureuse de Concetta, joue le rôle d'une relique (p. 240), sacralise Tancrède, le cousin aimé sans retour. Cinquante ans durant, Concetta vit dans la souffrance de sa passion, dans le ressentiment envers son père, qu'elle juge responsable d'avoir brisé son bonheur. Elle veut préserver Tancrède de ce ressentiment, le garder dans son souvenir tel qu'il était avant sa rencontre avec Angélique. [...]
[...] Giuseppe Tomasi di Lampedusa, "Le guépard" - l'importance du chien Bendico Dans une lettre à son ami Enrico Merlo, qui accompagnait un exemplaire dactylographié du Guépard, Lampedusa écrivait: Fais attention: le chien Bendico est un personnage très important et il est presque la clé du roman (Postface de Gioacchino Lanza Tomasi, Le Guépard, Le Seuil, p. 353). Pourquoi Lampedusa accorde-t-il une telle place à un chien qui, à première vue, n'est que l'animal familier du Prince, parmi une assez longue liste qu'il se remémore, sur son lit de mort, et qui va de Fufi, la chienne de son enfance, à Pop, le pointer laissé seul, en 1883, à la villa de San Lorenzo? [...]
[...] quand il creuse les plates-bandes funèbres il approfondit l'imaginaire lampedusien, son obsession de la mort, de la décomposition, qu'on repère, dans ce passage, avec les intestins violets du soldat, qui s'obstinent à sortir de son ventre. A la fin du roman, l'insistance de Lampedusa sur la dégradation de la carcasse de Bendico, petit tas de fourrure mangé de vers va dans le sens de cette angoisse de la mort, de la décomposition physique, alors que Lampedusa, rédigeant Le Guépard, savait ses jours comptés. Dans le même ordre d'idée, Lampedusa évoque, à propos d'Angélique, qui garde encore des traces évidentes de sa beauté passée la pitoyable larve (p. [...]
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