Gilles, de Pierre Drieu La Rochelle

Résumé du document

Ce roman est pour son auteur le tableau d'une « France qui tombe » sous les yeux d'un homme aussi banal que hors du commun. Gilles Gambier dit de lui-même qu'il est « un être étrange ». C'est un personnage passionnant, difficile à cerner car profondément paradoxal. Il est à la fois le héros romantique type, élégant, insatisfait, attachant, et l'anti-héros égoïste, cynique et parfaitement misanthrope.

Blessé sur le front, Gilles arrive à Paris sans le sou et épouse alors par pur intérêt une riche héritière, Myriam Falkenberg à qu'il reproche tacitement ses origines juives et dont il se sépare très rapidement pour retourner au combat, la guerre étant pour lui l'acte unique par lequel l'homme moderne parvient à exister et cesse d'être cet « affreux décadent ».

Extraits

[...] Après la nuit du 6 février 1934 qu'il vit comme la dernière des chances de renverser l'ordre en place, Gilles abandonne définitivement ses camarades communisants et emprunte la seule de toutes les voies imaginables : le fascisme. Il s'engage comme volontaire en Espagne auprès des phalangistes. Gilles semble enfin se stabiliser et trouver un véritable intérêt à son existence même si ses illusions politiques sont perdues. Il participe activement à une lutte contre le progrès en se mobilisant du côté des réactionnaires. Une réflexion politique aussi critiquable que novatrice A travers le personnage de Gilles, Drieu met en lumière une façon d'être et de penser, assez caractéristique de la période très troublée de l'entre- deux-guerres. [...]

[...] Cette œuvre de Drieu est une métaphore sublimement menée qui met en exergue l'omnipotence du fascisme dans la conscience de Gilles, et donc de Pierre Drieu La Rochelle lui-même. Déjà, le chapitre 2ème, intitulé L'Apocalypse, symbolise explicitement le déclin, la désillusion. Ainsi, pouvons-nous relever l'image fort exhaustive de la mort de Pauline, dans la nuit du 6 au 7 février 1934, qui n'est qu'un pur reflet de l'échec de prise de pouvoir par les ligues fascisantes, le fascisme français étant alors condamné à n'être qu'un idéal mort-né devant les flammes du Palais Bourbon. [...]

[...] Gilles abhorre la modernité, il est un adepte de Péguy, de sa critique de la civilisation européenne et du constat irrémédiable de sa décadence. Genève, ville référence de la société moderne pacifiste, altruiste, démocratique et universaliste, est pour lui la misère du monde moderne Gilles est antiparlementaire, homophobe, viscéralement raciste, profondément réactionnaire et pourtant le combat qu'il mène contre une vaine modernité est à bien des égards pertinent, ou du moins novateur. Gilles parvient à incarner à lui seul l'alternative totale face à un monde désenchanté. [...]

[...] Au niveau politique, Drieu est un personnage complexe : républicain, anticlérical, antisémite, ses positions sont surtout celles d'un homme rêvant d'autorité, souhaitant l'arrivée miraculeuse d'un homme providentiel. Il tente de réaliser une synthèse plus qu'ambitieuse du socialisme et du fascisme ; cette utopie échoue et le conduit à rejoindre les rangs des réactionnaires, déçus du communisme. Ainsi adhère-t-il au Parti Populaire Français de l'ancien communiste et désormais pronazi Jacques Doriot. Pendant l'Occupation, Drieu rejoint la France collaborationniste et appelle de ses vœux une Internationale fasciste, qui jamais ne verra le jour. Avec l'arrivée des chars alliés en France, Drieu comprend que la fin est proche. [...]

[...] Enfant d'une famille embourgeoisée, il commence des études à l'Ecole libre des sciences politiques mais est appelé sous les drapeaux français au début de la Première Guerre mondiale, en 1914. Il est donc forcé à cesser son cursus. Il revient du front marqué physiquement par des blessures et psychologiquement par l'ambiguïté même de la guerre, aussi terrorisante qu'enivrante. A la manière de Louis-Ferdinand Céline, Drieu semblait être puceau de l'horreur (Voyage au bout de la nuit) avant 1914. Sa vie durant l'entre-deux-guerres est assez caractéristique de l'écrivain parisien. [...]