La date de parution de la première édition du Gargantua est incertaine, toutefois l'édition de cette oeuvre déclarée comme originale, est possédée en un unique exemplaire par la BNF, et daterait de 1535. Cette simple question temporelle pourrait orienter le débat et la critique qu'a suscité ce roman. En effet, certains commentateurs avancent que Rabelais a publié ce tome avant l'Affaire des Placards, cette polémique religieuse qui émotionna la France entière en 1535, et qui s'acheva dans un bain de sang lors de la Saint Barthélémy.
Dans ce cas, Rabelais aurait, par sa position religieuse très hostile au pèlerinage dans le Gargantua, été directement concerné par la série d'affiches collées dans Paris et jusqu'au Louvre, dans la chambre du roi le 18 octobre 1534, affiches qui manifestaient une extrême violence contre les catholiques. D'autres critiques présupposent que le texte est contemporain de l'expédition de Tunis de 1535, menée par Charles Quint contre François I, sentiment renforcé par le nombre de pages consacrées à la guerre Picrocholine, qui pourrait être une allégorie du conflit qui opposait les deux monarques européens. Autrement dit, pour eux, ce livre de veine populaire qui n'hésite pas à sacrifier des pages et des pages à des épisodes austères, longs et ardus, souligne le point de vue de Rabelais et sa préoccupation au sujet d'une politique trop expansionniste (...)
[...] Ce chapitre est relativement long, mais son contenu est universel. Cette conquête du monde en parole est elle-même déjà mentionnée dans un précédent : la conquête d'Alexandre qui représente la totalisation du cosmos en un empire, s'étendant des grandes colonnes d'Hercule (Gibraltar) et l'Indus à l'Est (ref. p. 323). Ce discours est à lire comme un système de modèle à double étage : point de vue mythique : référence absolue à Alexandre, modèle du grand homme et du génie. Système d'allusions à Charles V et son Empire : celui qui dans les temps modernes peut passer comme le plus évident successeur d'Alexandre, car perpétue dans la modernité son rêve de conquête universelle. [...]
[...] Il invoque les arguments naturels permettant de donner sens au blanc. Représente la lumière, donc est source de vie, de plaisir ; contrairement au noir qui incarne l'obscurité, donc symbolise le deuil, le chagrin. Il s'appuie aussi sur des fonctions culturelles qu'il emprunte à l'Antiquité d'où il tire une réserve d'exemples : tous les habits de deuil sont noirs . il s'appuie également sur la Bible, considérée dans sa pureté, c'est-à-dire dans sa langue d'origine. Il fait même une référence explicite à Saint Mathieu sur la transfiguration du Christ : Rabelais traduit le texte biblique grec, et montre que la lumière9 incarne la joie de la résurrection. [...]
[...] Il n'est donc pas possible de résoudre l'ensemble des questions soufflées par le texte, car Rabelais a volontairement piégé son Gargantua, traquenard qui atteint dans certains passages un cas extrême, comme celui de la liste des deux-cents et quelques jeux pratiqués par Gargantua (p201), dont on ne peut, pour approcher ce déluge verbal, que se contenter d'une critique Page 3 généralisante, sans jamais pouvoir épuiser les difficultés liées au sens caché par le texte, qui malgré les siècles, résiste encore et toujours aux tentatives de décryptage. Une critique surabondante et partagée. C'est une des raisons pour lesquelles la critique dit tout et son contraire, notamment lorsqu'elle traite du débat qui oppose la culture populaire à la culture savante. En effet, certaines critiques avancent que Gargantua est l'œuvre de la culture populaire et folklorique, celle de l'anonyme. [...]
[...] Enfin, dans la généalogie de Gargantua est directement posée la question de la transmission du pouvoir depuis l'Antiquité jusqu'à l'époque contemporaine. En effet, à la fin du Moyen-Âge s'est élaborée une sorte de légende à laquelle le lecteur du XVI siècle ne pouvait être insensible : celles des origines troyennes de la monarchie française7. Rabelais joue donc sur les rapports de dissymétrie qu'il y a de rapporter une théorisation de grande échelle (de portée historique parfois pluriséculaires) à l'échelle d'un terroir minuscule, celui des alentours de Chinon. [...]
[...] Les indices parodiques abondent, même dans l'expression : citation du texte lui-même parodié au sein de la parodie. De fait, Rabelais connaît ce qu'il commente et parodie. La description du sanglant et de l'injuste culmine avec la description du meurtre de Toucquedillon : Rabelais insiste largement sur l'horreur, ce qui met fin à la parodie. Rabelais élabore un discours sur la guerre tout en se cachant derrière les propos tenus par ses personnages. Ce discours est le plus informel : c'est un cri inarticulé, un gargouillement, une supplication. Discursif : discours des conseillers de Picrochole. [...]
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