Dans cet ouvrage, Antoine GARAPON s'interroge sur la place occupée par les rites dans la vie juridique.
Afin de répondre à cette question, l'auteur commence par distinguer la justice comme valeur morale et politique, de l'acte de juger, et insiste sur le fait qu'avant d'être une faculté morale, juger est un événement. Pour rendre justice, il faut parler, témoigner, prouver, argumenter, écouter et décider. Or ceci nécessite d'être en situation de juger. Le rituel judiciaire, en délimitant un espace, un temps, en instituant des acteurs et en fixant un objectif remplira cette fonction (...)
[...] Par conséquent, il faut s'efforcer de repenser la justice, non pas contre, mais avec le rituel. Cette entreprise, Antoine GARAPON la nomme le "bien juger" et l'oppose à la quête directe de justice. Le bien juger procède d'une double mise à distance : 6 - mise à distance de la violence première, d'une part. Ici, le cadre rituel permet d'absorber les émotions, de maintenir éloigné le pouvoir politique et de mettre à égale distance les parties ; - mise à distance de l'injustice potentielle de la réponse légale, d'autre part. [...]
[...] Le procès devient une sorte de machine infernale qui se retourne contre celui qui ne Ta conçu que pour sa propre défense ; ce processus aboutit in fine à une réévaluation du statut de victime et à une dévaluation de celui du souverain. Face à ces phénomènes, des remèdes ont été imaginés. III. Les remèdes Certains remèdes ont été imaginés afin d'accorder une moindre place au rituel, ce dernier étant perçu comme responsable des dérives. Cependant, Antoine GARAPON nous met en garde contre ces derniers et propose une autre solution : le bien juger La justice informelle Il est apparu nécessaire de canaliser la "violence impure" d'un crime par une "violence pure". [...]
[...] Juger est, selon l'auteur, un travail permanent de mise à distance commencé par le rituel et achevé par la Parole. Cela nécessite, pour le juge, de s'arracher à un jugement spontané afin de se faire "tiers à soi-même". Pour autant, ce souci de bien juger n'est pas, pour l'auteur, une garantie suffisante. A cela, doit s'ajouter une exigence de motivation sérieuse des jugements. Conclusion Aujourd'hui, la démocratie semble entretenir une relation ambiguë avec ses symboles ; bien qu'elle en ait besoin, elle ne cesse de s'en méfier. Selon Antoine GARAPON, le combat pour la démocratie a changé de camp. [...]
[...] Antoine GARAPON nous met en garde contre l'effet pervers de ce droit qui pourrait précipiter la démocratie dans trois contradictions : - l'impossibilité d'un monde sans symbolique. Les médias opèrent une délocalisation de l'espace, une dislocation du temps ( tout différé est suspect alors qu'il se révèle parfois nécessaire à la découverte de la vérité), une disqualification des acteurs (cf confusion des auditoires de 5 justice qui, en valorisant l'opinion publique au détriment des parties et de la communauté des juristes, fait la part trop belle à l'émotion et à l'ignorance), une dépolitisation du sujet, une mise sur le même plan d'une violence institutionnelle et de la violence tout court, et enfin une désintégration de la violence ( à la différence de la violence rapportée par les médias, le rituel judiciaire montre en même temps le spectacle de la transgression - violence illégitime - et celui de sa résorption - violence légitime) annonçant une nouvelle "crise sacrificielle", c'est-à-dire une perte de la différence entre violence impure et violence purificatrice ; - le fantasme de la transparence totale. [...]
[...] L'hypothèse est celle d'une société qui, ayant l'impression d'avoir perdu le contrôle de ses rues et quartiers, a recours à la justice pour exprimer sa colère ; il s'agit de la "justice expressive" pour ANDERSON. Antoine GARAPON cite à ce propos, l'évolution qu'a connu le droit pénal depuis la fin des Trente Glorieuses. Il constate en effet que ce dernier est devenu un moyen pour nos sociétés modernes d'exorciser leurs difficultés (cf extension du champ de la justice pénale à des catégories comme les médecins, les hommes politiques, intensification de la répression pénale). [...]
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