Il formaggio è i vermi, essai historique, Carlo Ginzburg, Inquisition, hérésie
L'essai historique qui porte le titre original « Il formaggio è i vermi » fut édité pour la première fois en Italie en 1976. Il met en scène un meunier d'une région située au nord est de la péninsule italienne, le Frioul.
Ce meunier, homme du XVIème siècle, fut jugé et exécuté pour hérésie par l'Inquisition. Carlo Ginzburg, l'auteur, étudie avec minutie les dossiers des deux procès tenus contre ce paysan. A travers cet ouvrage, il analyse les idées et la vision du monde de cet homme et pose la problématique des rapports entre culture savante et culture populaire.
A travers le discours produit par le meunier on découvre aussi comment il interprète, à partir d'un ensemble de croyances paysannes, des ouvrages circulant à l'époque.
[...] Il n'était pas analphabète, loin s'en faut : il savait lire, écrire et compter et connaissait même un peu de latin, ce qui lui valut, en 1581, l'élection à des taches de podestat du bourg et des villes alentours et administrateur de l'église locale. Sa position dans le microcosme social ne fut donc pas des plus négligeables. Menocchio était donc marié et père de sept enfants. Ses idées et son inculpation dans le procès pour la deuxième fois provoquèrent une rupture par rapport à ses enfants qui s'intensifia à la mort de sa femme et de son fils préféré. [...]
[...] Cette culture pût voir le jour grâce à la réforme luthérienne et se diffuser avec les perfectionnements de l'imprimerie. Le cas de Menocchio est particulier car bien qu'homme de basse couche sociale, il savait pourtant lire et écrire et trouvait inacceptable la prétention du clergé de maintenir le monopole des connaissances. Comme nous l'avons vu, derrière ses lectures émergeait une couche solide de culture verbale : il mêlait à ce qu'il lisait des éléments empruntés à la tradition orale. Dans le cas de Menocchio c'est le contact avec la culture écrite qui a fait ressortir cette strate de culture orale. [...]
[...] Le jugement fut rendu le 12 mai. A cette occasion Menocchio écrivit une lettre dans laquelle il demandait pardon et reconnaissait ses erreurs mais sans renié vraiment ses opinions. Il fut donc condamné à abjurer publiquement toutes les hérésies qu'il avait soutenues, à accomplir diverses pénitences salutaires, à faire pénitence éternelle en portant habit marqué de la croix, et à passer toute sa vie en prison à la charge de sa famille. Il ne resta cependant que de deux ans dans les geôles de Concordia. [...]
[...] Au contact avec les classes supérieures, seigneur du village ou bourgeois de la ville, il est souvent en butte à l'hostilité des paysans. Les meuniers étaient nombreux au XVIe et leur présence dans les sectes hérétiques n'est pas surprenante. L'hostilité entre les paysans et les meuniers avait consolidé une image du meunier malin, voleur, destiné par définition à une peine infernale. L'accusation d'hérésie s'accordait parfaitement à ce type d'image. Il était alimenté par le fait que le moulin était un lieu de rencontre et rapports sociaux, dans un monde le plus souvent fermé et statique. [...]
[...] Il en est ainsi dans le Fromage et les vers avec Menocchio. La micro-histoire est donc une renonciation aux paradigmes de la totalité que constituent le marxisme et le structuralisme. Carlos Ginzburg analyse les traces laissées par les individus, ce qu'il dénomme le paradigme de l'indice Il s'agit, par un changement de focale de l'objectif, de faire émerger des configurations différentes qui permettent de mesurer concrètement les relations sociales et les stratégies individuelles et collectives. Ce n'est pas un retour à la biographie ou à la monographie locale, mais une tentative de rendre plus compréhensibles les conduites personnelles et les destins familiaux qui informent sur les comportements de telle ou telle catégorie sociale. [...]
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