Dans un article intitulé « François Villon à l'école de la lettre pervertie : le début du Testament ou la satire impossible », Jean-Claude Mühlethaler écrit : « Ni louange, ni blâme !… François Villon ne se contente pas de refuser à la fois l'un et l'autre des rôles traditionnellement assignés à la littérature ; il va jusqu'à se poser en auteur a-moral, pratiquant une écriture sans fondement éthique et, par conséquent, sans légitimité ni dignité, propre à scandaliser ». Cet extrait nous amène à nous demander pour quelles raisons François Villon refuse un positionnement moral ?
[...] François Villon lui- même est un personnage double. Cette dualité s'observe avec les deux images poétiques qu'il s'attribue et se crée : celle plutôt positive du bon folâtre, moquer et farceur et celle plutôt négative du mauvais garçon, sombre et coquillard. Tout comme lui, le monde est duel, rempli de paradoxes et de contradictions. Dans son écriture, François Villon allie les aspects positifs et négatifs, en allant jusqu'à le faire se confondre. Celle donne une impression d'authenticité et l'impression que le monde est représenté tel qu'il est : dans sa complexité. [...]
[...] Il reprend, en parodiant, dans la Ballade [de Villon a s'amye] la tradition du chant courtois. Ce chant courtois se retrouve juxtaposé à la poésie urbaine, tout comme le Bien se retrouve mêlé au Mal. Ainsi, la louange et le blâme ne sont plus possibles puisqu'il n'y a ni l'un, ni l'autre exclusivement : le Bien et le Mal cohabitant. L'objectif de François Villon n'est pas de juger le Bien et le Mal, ni de déterminer la moralité ou l'éthique. [...]
[...] François Villon émet tout de même quelques jugements, bien que cela soit fait de manière indirecte. En ce qui concerne la louange, citons par exemple la Ballade [que Villon feit a la requeste de sa mere, pour prier Nostre Dame] : François Villon réalise ici une louange indirecte à la Vierge Marie, sans arrière-pensée ironique. Indirecte, car il emprunte le masque et le je de sa mère pour écrire. Pour le blâme, citons Probleme (la Ballade de Fortune) où François Villon blâme Fortune d'une manière particulière. [...]
[...] La raison de cette non-prononciation peut également être due au fatalisme de François Villon. Il considère qu'il est inutile de blâmer puisque cela ne changera rien à la situation : il est résigné. Dans la Complainte Villon a son cuer il fait effectivement preuve de fatalisme. Il croit également au déterminisme, comme le montre son insertion de la légende entre Alexandre et Diomède, des huitains XVII à XX du Testament. Ces deux croyances expliquent pourquoi il ne se positionne pas : probablement parce que cela serait inefficace. [...]
[...] François Villon ne tranche pas. En effet, le jugement moral n'est pas son propos : son propos est de réaliser une poésie personnelle basée sur son expérience personnelle et sur sa vision des choses du monde. Il est dans l'impossibilité de trancher puisqu'il voit le monde de manière double : les choses ne sont jamais totalement bien, jamais totalement mal. François Villon est un marginal, ce débat du Bien ou du Mal ne le concerne pas : il le laisse à la société. [...]
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