Laurent Theis, médiéviste renommé, nous fait sentir les qualités particulières que le Moyen Âge exige de ses spécialistes : l'art de faire parler les textes résistants et rares, la capacité d'empathie envers des personnages qui ne sont parfois que des silhouettes et la possibilité de faire sentir la différence des temps, ce que les hommes du passé ont d'étrange, d'étranger même. Dans le cas de Guizot, il est vrai, la documentation est surabondante. Mais Laurent Theis traite chaque pièce du dossier comme si elle était unique. De fait, son Guizot n'a rien d'une incursion passagère dans un domaine qui ne serait pas le sien. Déjà spécialiste de l'histoire du protestantisme français, Laurent Theis est depuis longtemps un ami proche de Guizot, dont il a édité avec un soin méticuleux une partie de la correspondance. Pour lui, Guizot est plus qu'un personnage, c'est un lieu. Il en connaît les détours, les recoins et les chemins d'accès. Il s'y sent chez lui. Il sait tout des amis et des ennemis de Guizot, comme s'ils étaient les siens.
« Quelle destinée que la mienne » s'exclame François Guizot. Durant ses soixante-dix années actives, François Guizot endosse beaucoup de rôles. Guizot se présente comme un homme sans grands mystères, mais pourvu de qualités de toutes sortes, en possession d'une énergie et d'une vitalité impressionnantes qu'il déploie dans de multiples domaines. Il épouse son temps et marque son temps. Laurent Theis, plutôt qu'une biographie, propose ici de visiter François Guizot dans différents aspects de son existence, de son comportement, de son tempérament, au contact de l'histoire, de la société et des gens de son temps.
Chapitre I Une vie dans le siècle (1787-1874)
Nul n'a mieux éprouvé que Guizot la mesure de son temps. Son métier d'historien, sa carrière politique, sa foi religieuse, son culte de la mémoire ont installé le temps au coeur de sa réflexion et de son action. Né sous l'Ancien Régime, il meurt alors que la IIIème République s'installe sans retour. Entre-temps il voit naître et mourir beaucoup de régimes institutionnels comme il voit mourir des êtres chers à son coeur, des concurrents et des rivaux. Il est contemporain de trois générations qu'il a décrites et qui le rattachent au siècle des Lumières et à l'orée de la Belle Époque. Guizot, en dépit des aléas de sa longue existence, n'a jamais réellement quitté la scène publique (...)
[...] Rémusat écrit dans ses Mémoires : Je crois qu'aucun homme n'a exercé plus d'influence que Guizot sur moi Guizot ne s'est jamais séparé de ceux qu'il a reconnus pour ses véritables amis. Louis Vitet (1802-1873) reste toute sa vie dans l'ombre de Guizot. Il vient à lui en 1819. Il est nommé par Guizot en octobre 1830 au poste, créé par lui, d'inspecteur général des monuments historiques. Lorsque Vitet meurt en juin 1873, Guizot voit partir un de ses plus anciens, proches et fidèles amis. Victor de Broglie et Prosper de Barante (1782-1866) sont aussi de grands amis de Guizot. [...]
[...] Les trois femmes dont Guizot laisse entendre qu'elles ont une véritable influence sur lui : sa mère, Pauline de Meulan, sa première femme, et Albertine de Staël, fille de Germaine et duchesse de Broglie. Il fait la connaissance d'Albertine de Staël quand elle a vingt ans, en 1818. Elle est la confidente de plus en plus intime des joies et des malheurs de Guizot et de sa famille. Elle est, sans doute, avec Rémusat, celle qui comprend le mieux le caractère et l'esprit de Guizot. Albertine de Broglie meurt en 1838. [...]
[...] A l'automne 1822, le gouvernement reprend en main l'université, trop visiblement un foyer de contestation, et suspend les cours de philosophie de Victor Cousin (1792-1867) et d'histoire moderne de Guizot. La suspension dure près de six ans. L'activité d'historien de Guizot s'enrichit et s'accélère. En 1826-1827, les deux premiers volumes de l'Histoire de la Révolution d'Angleterre a un retentissement considérable. En avril 1828, il reprend son cours d'histoire moderne sur le thème de l' histoire de la civilisation» en Europe puis en France. Voilà, Guizot posé et reconnu comme le plus grand professeur d'histoire de son temps et cette qualité ne lui sera jamais contestée. [...]
[...] En 1835, Royer-Collard prononce son dernier discours pour combattre les lois répressives relatives à la presse, dites de Septembre après l'attentat de Fieschi contre Louis-Philippe. Guizot lui réplique sèchement. En 1838- 1938, Royer juge sévèrement l'attitude de Guizot. La rupture n'est pas totale cependant. Royer-Collard est le chef officieux du gouvernement depuis octobre 1840, Guizot ne cesse pas de se soucier de son opinion. A la mort de Royer-Collard le 4 septembre 1845, Guizot lui rend des hommages inaccoutumés, partant du cœur, disant une amitié forte, que la politique mit à l'épreuve sans en avoir raison. [...]
[...] Sa femme Pauline meurt en 1827, le malheur de Guizot est immense. Il tombe amoureux d'Élisa Dillon, nièce de Pauline, de seize ans plus jeune que lui et l'épouse en 1828. Le 24 janvier 1830, Guizot est élu député pour la quatrième circonscription du Calvados, celle de Lisieux où il n'est jamais allé. Guizot est désormais sur le devant de la scène. Il se rallie sans enthousiasme au duc Louis-Philippe d'Orléans (1773-1850) après les Trois Glorieuses. Il met sa plume au service des proclamations destinées à éviter l'installation d'une république. [...]
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