Fiche de lecture pour l'étude de la réécriture mythologique : Mary Shelley, Frankenstein ou le Prométhée moderne, chap.IV, 1831
[...] Fiche de lecture L'auteur met l'accent explicitement sur la reprise du mythe à laquelle elle procède par le titre même de l'œuvre, Frankenstein ou le Prométhée moderne. Cependant, la référence explicite au mythe s'arrête là et c'est à l'œil exercé du lecteur de reconnaître les motifs communs entre le mythe antique et ce qui est devenu une mythologie moderne, reprise à multiples reprises au théâtre et au cinéma. À titre liminaire, il convient de s'interroger sur les éléments rapprochant le savant chercheur inconscient des risques et de ses responsabilités de Prométhée. [...]
[...] Prométhée s'est rêvé dieu créateur et protecteur des hommes. Frankenstein se rêve également comme un dieu créateur. Cette vision de miracle par la découverte scientifique est la version moderne des risques de la démesure. Comme Prométhée pétrit la boue pour en tirer l'humanité, Frankenstein ne compte pas les jours et les nuits de labeur. Titan et chercheur se rejoignent dans la même fatigue, ne dit-on pas « un travail de Titan » ? La voie pour animer la matière inerte est longue et laborieuse. [...]
[...] Frankenstein souffre en tant qu'homme. Modèle et mythe moderne apparaissent ainsi avoir leur futur intrinsèquement lié à celui de l'humanité. Mais dans le mythe antique comme dans le moderne, celui qui défie l'ordre des choses ne fait corps avec l'humanité que pour s'en voir séparé plus sauvagement. Prométhée se débat sous les coups de bec de l'Aigle du Caucase, loin à la fois dans l'espace des hommes pour qui il s'est sacrifié et par l'insoutenabilité de son interminable supplice. Frankenstein qui a trouvé le secret d'animer la matière bénéficie d'un destin moins élaboré, mais tout aussi cruel. [...]
[...] Comme le mythe, Frankenstein exclut la mère nourricière du processus créateur. Au ventre féminin, il substitue l'aridité de l'anatomie. Là où Prométhée manipule la boue, Frankenstein se complaît dans la corruption du corps humain. De même, alors que Prométhée demeure une histoire de famille, celui-ci étant le fils titan de Japet et Thémis, Frankenstein ancre son récit dans la tradition familiale. C'est depuis sa plus tendre jeunesse que son père parfaire son éducation en l'emmenant s'imprégner de l'atmosphère des cimetières où les corps retrouvent leur vocation de nourriture pour le monde rampant. [...]
[...] Cependant, Frankenstein reste homme. Contrairement aux Titans, il ne comprend que trop bien la peur de la mort de ses semblables. Derrière la froideur scientifique, il ressent dans sa chair le « changement entre la vie et la mort ». Lui, comme les autres, est ébloui par l'immensité de l'horizon. Frankenstein demeure plus humain et donc plus vulnérable que le mythe antique. Peut-on dire cependant que le châtiment en est adouci ? Le savant par son humanité voit-il sa chute plus douce ? [...]
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