« La transition vers la démocratie est le lieu de tous les possibles, y compris le pire » : Ces mots, qui figurent dans l'introduction du « Passage à la démocratie », ont été écrit en 1996, après l'immense espoir soulevé par la chute du mur du Berlin, et les désillusions et dérives qui lui ont succédé, notamment en ex-Yougoslavie.
Les mouvements contestataires qui s'expriment depuis 2010 en Tunisie, en Egypte, en Lybie, en Syrie et dans de nombreux Etats du Proche-Orient laissent entrevoir une nouvelle vague de démocratisation, un nouvel espoir, et nous interrogent à nouveau sur ce que peut être le passage à la démocratie.
[...] La démocratie se caractérise par un ensemble d'institutions et un système de valeurs.
Le système représentatif a toutefois été créé par ceux qui se méfiaient du peuple par une sorte de subterfuge. Ainsi, comme le souligne Bernard Manin, les principes du gouvernement représentatif sont l'absence d'exercice direct de la démocratie par le peuple et l'instauration d'une règle aristocratique de la distinction plutôt que l'application du principe de la ressemblance, afin de codifier et limiter l'hégémonie d'une sorte de caste assez ouverte (milieux instruits stimulés par le goût du pouvoir).
[...] Guy Hermet souligne que de nombreux théoriciens ont souligné le caractère occidental de la démocratie. Les arguments peuvent être d'ordre économique, le développement économique et plus largement la liberté économique étant un préalable à la liberté politique. Ils font également reposer la démocratie sur le principe de séparation du spirituel et du temporel propre aux Occidentaux, sur le rôle de l'individualisme, et sur la loi, supérieure à toute autre considération.
Ces arguments méritent toutefois d'être relativisés, notamment au regard de l'histoire. La Grande Bretagne était un pays pauvre aux prémisses de la démocratie et le développement économique de l'Allemagne dans l'entre guerres l'a conduit au nazisme. (...)
[...] Au delà de la description de ses faiblesses et de ses éventuelles dérives, il est sans doute nécessaire aujourd'hui de repenser la démocratie, une forme de régime qui n'a cessé d'évoluer dans l'histoire. [...]
[...] Il nécessite également des pratiques, dépassant à la fois le communautarisme et une culture du don de soi aux accents populistes. Le citoyen ne se convainc de le devenir au sens plein que s'il cesse de se percevoir comme un électeur réduit à avaliser des choix déterminés par avance en dehors de lui En guise de conclusion. L'analyse de Guy Hermet interroge sur la démocratie en général, mais aussi sur l'évolution de cette forme de gouvernement, dans les pays du centre et de l'est de l'Europe vingt ans après la chute du mur de Berlin, sur ces pays qui depuis 2010 revendiquent la démocratie, et bien sûr sur les démocraties fondatrices, qui semblent, selon l'auteur, avoir perdu cette pratique propre au citoyen. [...]
[...] Cette préoccupation et le rôle que peut jouer les institutions internationales contribuent à la diversité des possibles. Comment devient-on démocrate ? Il ne saurait y avoir de démocratie sans citoyens capables et désireux d'y jouer un rôle. Deux convictions sont essentielles. L'intérêt privé doit céder devant l'intérêt général. Par ailleurs, le conflit né de la multiplicité des points de vue et des intérêts constitue non pas une situation blâmable car susceptible de menacer la cohésion du groupe, mais bien une condition essentielle de la démocratie. [...]
[...] Guy Hermet souligne le rôle accélérateur de l'Etat providence dans l'épanouissement de la démocratie en Europe de l'Ouest, l'objectif de Beveridge étant, après la guerre, de démontrer aux laissés pour compte des gouvernements libéraux toute la valeur des institutions démocratiques. Les démocratisations tardives Entre 1870 et 1914, des semblants de démocratie se sont développés en Europe, avec des règles tronquées (achat des votes, intimidation à l'exemple de l'Italie ou de l'Espagne) ou absence de pouvoir réel des élus (comme en Allemagne), d'où une volonté des peuples d'aboutir à d'autres formes de régime. [...]
[...] Guy Hermet, politologue Guy Hermet est né en 1934. Diplômé de Sciences Po, il est également docteur en sociologie et en lettres. En 1962 il commence une carrière de chercheur à la Fondation des sciences politiques, puis dirige le Centre d'Etudes et de Recherches Internationales de 1976 à 1985. En parallèle, et surtout depuis 1986, il enseigne régulièrement sur ses sujets de prédilection à l'IEP de Paris, Bruxelles, Genève, Montréal La démocratie est au cœur de ses préoccupations, à ses différentes phases, depuis sa création (souvent par une transition) jusqu'à ce qui peut apparaître comme un épuisement de cette forme de gouvernement, entre populisme et désintérêt. [...]
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