S'il est d'abord philosophe, Marcel Gauchet (né en 1946) inscrit cependant sa démarche à l'intersection de domaines variés, des sciences humaines (philosophie, sociologie, histoire, anthropologie, psychologie) aux débats politiques les plus contemporains. Lui-même la définit comme « anthropo-sociologie transcendantale » : endossant l'ambition de l'intellectuel engagé de formuler une explication globale du monde, afin d'évaluer les conditions de son devenir, il prétend ainsi rejoindre l'origine essentielle de l'homme et de la société.
Sa visée englobante mêle donc au niveau macro de l'analyse des sociétés dans leur évolution socio-historique l'échelle plus restreinte de l'individu (psychologie des rapports à soi et à l'autre) et de l'évènement historique. Ce qui lui permet d'étudier les applications concrètes de ses analyses générales, et de donner libre cours à sa [...]
[...] comme relais à la dépendance vis-à-vis des dieux) ; explicitation juridique des fondements de cette nouvelle forme politique (naissance aux 17e-18e s. du droit naturel moderne de l'individu de droit comme seul principe de légitimation possible dans un monde qui s'arrache à la religion) ; enfin, constitution sociale-historique de l'humanité (avènement de l'historicité). La construction de l'individu concret (individualisation de l'intérieur et à la faveur même de la socialisation) sous couvert de critique de l'individu abstrait (dégagé théoriquement par la Révolution Française) et parallèlement l'évanouissement progressif de la structuration religieuse des rapports sociaux (perte d'autorité des englobants dans les années 70 en particulier) font alors apparaître les droits de l'homme comme seul outil disponible pour guider le travail de la collectivité sur elle-même. [...]
[...] Pour Marcel Gauchet le religieux est un phénomène historique, dont il définit l'essence comme le refus par l'homme de sa propre puissance de créateur (tout ce qui est -nature, culture- a son principe et ses raisons au sein de la surnature). Il s'agit donc d'un impouvoir institué d'un choix contre l'histoire parti pris de l'immobilité qui reflète l'immense difficulté pour les individus à s'accepter comme sujets Si la religion a été le mode presque unique sur lequel les hommes ont assumé leur être-ensemble, ce mode est cependant désormais révolu : avec le christianisme on passe d'une religion absolue (régime de l'inquestionnable institué à une religion relative (émergence de l'Etat, régime du questionnable obligé la position d'une dualité ontologique –transcendance– permettant de considérer l'autonomie des créatures ainsi que l'objectivité des phénomènes naturels. [...]
[...] * La crise actuelle de l'engagement civique, le divorce, en réalité, entre citoyens et classe politique, qui détourne l'électorat de la scène politique, semble correspondre à une demande de démocratie frustrée - aggravée par le sentiment d'abandon dû à l'impuissance publique en matière de maîtrise de la criminalité, par le sentiment de dépossession né de l'immigration et qu'illustre la xénophobie, ainsi que par la politique du fait accompli mise en œuvre par peur du peuple La réflexion démocratique se heurte donc aujourd'hui à cette carence dans le rôle politique de donner à la collectivité le sentiment d'une prise sur son destin : il s'agit de redéfinir les conditions de concrétisation d'un dessein collectif. Il est intéressant ici de rappeler, avec Pierre Rosanvallon[1], l'interprétation hégélienne du modèle politique français comme culture politique de la généralité : pour Hegel (Leçons sur la philosophie de l'histoire), le modèle français radicalise une conception de la liberté comme possibilité d'auto-définition collective (possibilité de construire librement un monde commun). [...]
[...] On assiste ainsi à une compétition entre une idéologie passéiste (conservatisme), une idéologie présentiste (libéralisme), et une idéologie futuriste (socialisme révolutionnaire). L'idéologie s'est déployée petit à petit, en s'émancipant progressivement du moule contraignant de l'héritage religieux (présupposé de l'Un comme forme obligée du collectif). Avec l'irruption des droits de l'homme cependant, l'unité (tenue pour acquise) a cessé d'être un problème, et l'idéologie, emportée par son mécanisme fondamental d'unilatéralité, peut désormais ériger le droit en vérité exclusive de la démocratie, et dès lors ne plus reposer que sur la seule dimension du présent. [...]
[...] On assiste ainsi à une disjonction entre le point de vue individuel (on se sent soi etc) et le point de vue collectif (on est n'importe qui pour l'organisation où on s'insère), et les droits de l'homme ne pourront se revendiquer comme politique véritable qu'à la condition qu'ils surmontent cette dynamique aliénante de l'individualisme, en nous donnant prise sur l'ensemble de la société où ils s'insèrent. * La démocratie produit-elle les personnalités dont sa politique aurait besoin ? La question de l'éducation est d'autant plus problématique qu'elle repose sur le paradoxe d'une institution holiste retournant l'exercice de la contrainte collective au service de la promotion de l'individu. [...]
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