Ce long texte paraît bref par rapport au long héritage qu'il assume et peut paraître pauvre en invention personnelle. Mais en réalité, ces lieux communs permettent de justifier son projet radicalement neuf. Il se réfère à la tradition immémoriale qui considère comme « sœurs la poésie et nos fables » depuis Socrate. Après avoir dit qu'il s'était suffisamment justifié, il donne un argument de droit imparable : l'exemple de Phèdre. Il a taché « d'égayer » ses récits comme le conseille Quintilien. La gaieté française fait l'équivalence de l'élégance latine. Comme tout le monde les connaît, il faut sacrifier au goût du public. Il nous donne ici une leçon de classicisme éclairé : il est licite de versifier, brièvement et avec humour, les fables d'Esope. La question de fond est l'utilité. L'apologue est rapproché de la parabole évangélique et du mythe platonicien. Il est composé d'un corps et d'une âme. Mais parfois, l'âme est intégrée dans le corps, avec l'autorisation d'Horace. On a une apparence de contradiction : on révère la brièveté mais on s'autorise à versifier et pour compenser la brièveté perdue, on ajoute des traits propres à égayer ; de plus, la moralité peut être sacrifiée à l'exigence esthétique de la narration.
[...] Il faut parfaire la Nature pour atteindre par la fiction à une semblance de la Vérité absolue. Ici, le bestiaire oscille entre le statut d'un alphabet symbolique et celui d'une galerie zoologique. On utilise la tradition millénaire de signes associés aux animaux, mis en relation avec les caractéristiques humaines ; le parallélisme entre les deux mondes relève de la convention mais aussi de l'observation. Analyser le principe de ce système de correspondances contribue à éclairer l'effet de naturel et le soubassement imaginaire et la logique architecturale du genre. [...]
[...] La fabrication d'une fable combine ce qui est présenté ici de manière alternative : il faut faire passer d'une question générale (les rapports du chat et de la souris) à une question particulière plus circonstanciée. On distingue les deux plans qui se superposent dans toute apologie : la narration circonstanciée et l'idée générale qui s'en déduit. Cette ballade est donc une sorte de fable ; les différents projets qu'il esquisse sont présentés sous la forme du déchiffrement de l'allégorie, et non pas de l'allégorie elle-même. [...]
[...] La clef est la projection sur la narration, à des fins esthétiques, du jeu de bascule entre l'allégorie et son déchiffrement. Il Parachève le génie propre de l'apologue ésopique en renforçant l'articulation qui le fonde ; en transcender l'intention par une métamorphose conjointe de la fiction et de son explication en poème. Le Cochon, la Chèvre et le mouton. Des effets de parasites sont montés autour de chaque unité du poème pour aboutir à une harmonie. Il existe une multitude de pistes divergentes, qui sont autant de prises contradictoires données à l'émotion. [...]
[...] Les associations incongrues, le principe de l'écho et de la variation relaient celui de la syllepse ou de la catachrèse. La gaieté, le comique et le rire Il existe deux théories pour rendre compte du rire : le rire mécanique c'est à dire la surprise heureuse comme déclencheur du rire, ou psychique c'est à dire une impression de joie éprouvée par le rieur en rapportant à un sentiment de supériorité triomphale la comparaison opérée entre deux images : la nouveauté associée à la gaieté, en bref. [...]
[...] Le classicisme est une ambition de haute philosophie et un souci contingent de plaire : la vraisemblance épure et transpose ce que la réalité contingente a de trop extraordinaire. Cela aussi caractérise les fables de La Fontaine. Sa vraisemblance ne réside pas dans la reproduction exacte ni la représentation de réalités bien connues, mais dans le naturel du ton qui parvient à la révélation de la vie mieux que toute représentation de l'existence. Il transpose le modèle grec pour un nouveau public en pratiquant une imitation libérale. Il choisit les poètes qui lui vont bien dans différents genres. [...]
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