Le sonnet 119 des Amours de Ronsard est l'occasion pour l'auteur de raconter, au travers d'un sonnet classique de rime abba / abba / ccd / eed, sa tentative d'oublier Cassandre, sa « Dame » dont il est éperdument amoureux. Il décide pour cela de se rendre dans sa région natale, dans des lieux d'une importance particulière pour Ronsard, mais qui sont sans rapport avec sa bien-aimée. Le calcul rationnel du poète vise donc à lutter contre les effets négatifs de la flèche d'Amour, dont il est beaucoup question dans ce sonnet. Cependant, le dernier mouvement du poème montre bien que la tentative de Ronsard est globalement un échec. Il est bien définitivement soumis à l'influence de sa Dame, par le truchement d'Amour.
Au cours d'un commentaire linéaire, on s'attachera donc à analyser le projet de Ronsard dans ce sonnet au travers d'une étude du sonnet dans ses trois principaux mouvements, que l'on peut aisément résumer de cette façon : premier quatrain d'une part, insistant sur les lieux natals de Ronsard ; deuxième quatrain et premier tercet d'autre part qui traite de plusieurs thèmes, très pétrarquéens, tels que l'errance du poète, le traitement du souvenir de la dame et la douleur causée par Amour ; deuxième tercet enfin, évoquant le traitement du souvenir de Cassandre et surtout le combat impuissant de la raison contre le Penser amoureux.
[...] La vision de la Dame dans la flaque d'eau est ainsi très frustrante, cela montre la puissance de l'Amour de Ronsard, mais celui-ci ne peut se réaliser complètement, car il est alors absolument seul, uniquement accompagné par sa vision. Enfin, Yvonne Bellanger confirme bien le rôle particulier de cette vision de la Dame dans la flaque d'eau en montrant que les éléments de la nature ne constituent pas des lieux où la dame apparaît mais est en fait le miroir qui reflète son image. [...]
[...] C'est une liberté fondée sur la rationalité, qui lui fait se mettre volontairement à l'écart, à la campagne, mais qui aboutit à une douleur d'une intensité supérieure à celle causée par les seules flèches d'Amour. Ce sonnet est donc un bon exemple du traitement de la métamorphose de l'homme chez Ronsard. L'homme qui devient amant perd sa liberté, dans sa soumission à l'influence de la Dame aimée, tel est en sorte l'enseignement que Ronsard tend à transmettre au travers de ce sonnet. [...]
[...] Il s'agit pour lui d'essayer d'oublier Cassandre. Le souvenir de la dame Là pas à pas, Dame, je remémore Ton front, ta bouche, & les grâces encore De tes beaux yeux trop fideles archers Ce sonnet s'articule principalement autour du souvenir de Ronsard pour Cassandre, dans le premier tercet, alors même qu'il était parti seul pour tenter de ne plus y songer. Avant de se matérialiser dans quelque eau, ce souvenir est purement mental et apparaît au poète par l'intermédiaire de certaines parties du corps de Cassandre. [...]
[...] J'essaie de soulager la douleur de ma plaie, qu'Amour encharne au plus vif de mon soin dit-il ligne 6 à 8. Cette tentative d'échapper à la douleur, qui est donc une recherche du bonheur et du plaisir, mène naturellement Ronsard à se remémorer une vision apaisante : celle de Cassandre. Ce passage s'effectue entre le deuxième quatrain et le premier tercet, avec le là pas à pas de la ligne suggérant par là même qu'à l'errance physique s'ajoutent une certaine liberté de pensée et des divagations, qui ramènent mentalement le poète, malgré lui, vers sa Dame. [...]
[...] M'arraisonnant seul à l'heure j'essaie de soulager la douleur de ma plaie, qu'Amour encharne au plus vif de mon soin. trouve-t- on ainsi ligne 6 à 8. Comme on le retrouve dans de nombreux autres sonnets du recueil, la source première de la douleur de Ronsard est clairement identifiée : il s'agit d'Amour, ou Cupidon. Sa cruauté autour de la souffrance du poète était déjà apparue dans le sonnet 48, dans le sonnet 106, où le pire pour Ronsard apparaissait bien être le fait qu'Amour et Cassandre connaissent son mal mais ne s'en soucient pas, ou encore dans le sonnet 136 où la flèche lancée par Amour tue le poète mais le guérit aussi en même temps. [...]
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