L'exil est un sujet qui attire d'emblée l'attention par son acception très large si on cherche à le définir à l'aune de la vie de Rose Ausländer. La vie de la poétesse est en effet parsemée de ruptures aux conséquences plus ou moins graves depuis 1921, date à laquelle elle quitte pour la première fois sa terre natale. En quoi une réflexion autour de ce terme peut-elle cependant nous aider à mieux appréhender l'essence de son écriture mais aussi le tragique de son existence ? Nous apporterons réponse à cette question par une argumentation en trois parties qui, par la même, procédera, à une différenciation précise des enjeux induits par le sujet. Dans un premier moment, nous montrerons en quoi l'exil géographique, au départ perçu comme échappatoire, devient finalement un lieu de souffrance physique et psychique. Le deuxième mouvement de notre réflexion considérera le rôle dévolu au voyage, une forme particulière de l'exil pour une poétesse vivant déjà dans l'exil. Dans une dernière partie enfin, nous porterons un regard critique sur une autre forme de l'exil, l'exil poétique en la considérant en relation étroite avec la situation existentielle de Rose Ausländer.
[...] New York est présentée, dans sa poésie, comme une jungle inextricable dont le rythme de vie effréné, détruit la beauté toute relative qu'elle s'attachait pourtant à y chercher. Le poème intitulé Im Dschungel (1965) reprend cette image et la renforce sémantiquement en la couplant avec le verbe réflexif sich verirren : Oft verirre ich mich / hier im Dschungel / die Gassen stemmen sich gegen / mich und meine Gefährten Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir essayé. A la succession d'impressions négatives données de la ville durant les années d'avant- guerre, elle répond dans un premier temps par un discours poétique euphorique (agréable) mais lapidaire, c'est-à-dire ramassé en quelques images d'une grande force d'expression : ainsi le poème New York fasziniert dans lequel Rose Ausländer s'émerveille du charme matinal de ce qu'elle nomme die eleganten Wolkenkratzer Pourtant, et ce texte en apporte la preuve notamment dans la dernière strophe, l'impression générale retranscrite dans les compositions de cette période restent négative. [...]
[...] L'exil dans l'œuvre de Rose Ausländer Introduction L'exil est un sujet qui attire d'emblée l'attention par son acception très large si on cherche à le définir à l'aune de la vie de Rose Ausländer. La vie de la poétesse est en effet parsemée de ruptures aux conséquences plus ou moins graves depuis 1921, date à laquelle elle quitte pour la première fois sa terre natale. En quoi une réflexion autour de ce terme peut-elle cependant nous aider à mieux appréhender l'essence de son écriture mais aussi le tragique de son existence ? [...]
[...] Mais le voyage n'est qu'un palliatif aux effets passagers. Très vite, la réalité rattrape Rose Ausländer comme semble le suggérer le poème Heimatlos volontairement placé par Helmut Braun à la fin du cycle consacré au voyage. Ich bleibe heimatlos c'est sur ces trois mots que celui-ci se termine, trois mots auxquels elle oppose l'utopie d'une autre forme de l'exil, l'exil poétique. L'exil poétique, un lie de vie Le rôle premier dévolu à la poésie : la fonction identitaire Condamnée à l'exil suite à la disparition de sa patrie, Rose Ausländer va passer le reste de sa vie à la recherche de son identité, mais aussi d'un environnement où elle pourrait y installer son existence. [...]
[...] Le voyage est aussi dans la vie de Rose Ausländer une forme de l'exil, en ce sens qu'il est un moyen d'échapper à la réalité new-yorkaise, une réalité incapable de lui faire oublier la rupture opérée dans sa vie par la Shoah. Un poème, le premier à ouvrir le chapitre de notre volume consacré au voyage, l'exprime en soulignant combien celui-ci permet une accélération de la vie propice à l'oubli : Reisen / Leben zu beschleunigen / den Tod / aus dem Geleise zu schieben Reisen I 1957-1963). [...]
[...] En ce sens, l'exil apparaît toujours comme une fuite géographique face à une réalité devenue austère. On distingue de manière générale trois grandes ruptures dans la vie de la poétesse, c'est-à-dire trois situations de nature différente l'ayant conduit à partir pour New York, point de rassemblement privilégié des juifs d'Europe Centrale. C'est en 1921 qu'elle va être pour la première fois contrainte de quitter sa patrie et d'émigrer aux Etats-Unis, lieu de souffrance physique et psychique où elle n'arrivera jamais à trouver ses marques comme l'exprime le poème expressionniste Wirbel avec une puissance acoustique assourdissante : Es kriecht um mich der Autotanz / Sirenen bersten meine Ohren / Ein Überfall aus schrillem Glanz / schlägt wie ein Blitz in meine Poren Comme la plupart des compositions de ces années, Wirbel foisonnent d'éléments dysphoriques illustrant ex negativo ce que Rose Ausländer regrette loin de Czernowitz. [...]
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