Alors que son père le destinait à l'état ecclésiastique, la hardiesse de sa pensée ne cesse de s'affirmer ; déiste, puis sceptique, il s'oriente franchement vers le matérialisme avec la Lettre sur les aveugles à l'usage de ceux qui voient. Il était déjà suspect : la publication de cet ouvrage provoque son arrestation et sa détention au château de Vincennes (juillet novembre 1749). Cet emprisonnement va contraindre Diderot à une attitude plus prudente, s'il veut être en mesure de mener à bien une tâche immense qu'il vient d'entreprendre, la publication de l'Encyclopédie. Jusqu'en 1765, cette entreprise va absorber une grande partie de son activité: Depuis Vincennes, s'il écrit beaucoup, il publie peu ; la plupart de ses ouvrages, et les plus importants, ne seront édités qu'après sa mort : cela s'explique entre autres par une extrême dispersion du philosophe ; l'élaboration de certaines de ses œuvres s'étend sur de longues années et il écrit simultanément dans les genres les plus divers
[...] Est posé le problème suivant : entre la liberté d'indifférence à laquelle le Maître reste attaché et le fatalisme de Jacques, n'y a-t-il pas un moyen terme ? S'il ne parvient pas à fonder la liberté, ni même à la concevoir, Diderot donne pourtant au problème une solution pratique, qui est son humanisme. Il maintient malgré tout, contre Helvétius, une certaine autonomie de l'homme au sein de la matière et il préserve également l'autonomie de la personne humaine au sein de la collectivité. [...]
[...] Elle vise l'homme en général et son besoin de domination, qui s'exprime dans l'ensemble de la hiérarchie sociale et au sein du couple. Elle vise surtout l'administration monarchique, qui semble avoir pour fonction essentielle et secrète de satisfaire l'appétit de domination qui réside en chaque homme, et l'aristocratie, représentée par les grandes dames incapables d'aimer et le maître oisif et désoeuvré, incapable de se passer de son valet chien. - Prolongement : La satire sociale est beaucoup plus vive dans l'extrait du Neveu de Rameau - décrivant la pantomime des gueux L'image du chien y est remplacée par celle du danseur qui - prend des poses devant un homme dont il dépend : Quiconque a besoin d'un autre, est indigent et - prend une position Les exemples fournis, empruntés aux réalités sociales de l'époque, donnent une - vision très critique de la foule des ambitieux qui se pressent autour des puissants, les ministres et - le roi lui-même (mais c'est l'amour qui les anime) participant à cette danse générale. [...]
[...] JACQUES : C'est leur satire et celle de ce qui les entoure. Elles n'aiment personne ; personne ne les aime : et elles jettent aux chiens un sentiment dont elles ne savent que faire. LE MARQUIS DES ARCIS : Aimer les animaux ou jeter son cœur aux chiens, cela est singulièrement vu. LE MAÎTRE : Ce qu'on donne à ces animaux-là suffirait à la nourriture de deux ou trois malheureux. JACQUES : À présent en êtes-vous surpris ? LE MAÎTRE : Non. [...]
[...] En jugeant singulier et pas ordinaire le valet, le marquis souligne sa faculté d'observation et de jugement. Cette discussion témoigne d'une inversion des rôles du valet et du maître (que celui-ci reconnaît avec intelligence, à la fin de l'échange). Jacques y apparaît comme la figure de l'homme de lettres qui, chargé de divertir les gens du monde, se fait philosophe et les amène à jeter un regard lucide et critique sur l'homme et la société. La satire est à la fois morale et sociale. [...]
[...] L'objection du maître ramène le débat à son sujet initial, attachement pour les animaux dont Jacques s'était éloigné en y voyant la manifestation, chez les petites gens, d'un désir général de commander. Elle devrait mettre le valet en difficulté puisque les grandes dames ne sont pas dépourvues de pouvoir et qu'elles s'entourent d'une véritable ménagerie. Jacques la réfute en glissant habilement du domaine des rapports sociaux à celui des sentiments : c'est un manque d'amour qui pousse ces femmes orgueilleuses et froides à chercher (inconsciemment) une compensation auprès des animaux. Il obtient ainsi l'admiration du marquis et l'accord de son maître, contraint de reconnaître sa supériorité. [...]
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