Hervé Guibert n'est pas seulement écrivain et journaliste, il est également photographe ; sa relation à l'art se caractérise donc par l'approche de deux médias différents : le texte et la photo. Guibert entretient-il des rapports similaires avec ces deux pratiques artistiques ? Dans son autobiographie Mes Parents, l'auteur fait parfois référence à l'art de la photographie, et surtout, affirme clairement son amour pour les images. L'une des nombreuses séquences qui constituent le récit de l'œuvre, relate un épisode intime où Guibert photographie sa mère avec l'appareil de son père. A travers cette formulation se pose évidement la question de la relation entre ses trois êtres, qui s'établit durant ce fugace instant artistique : doit-on parler d'une structure en diptyque ou en triptyque? L'auteur manifestant dans son œuvre un attachement plus intime vis-à-vis de son père, en quoi cet extrait illustre-t-il un rare instant de communion entre un fils et sa mère ? Par ailleurs, il semble important d'étudier la place de l'image et le rôle de la photographie dans cet épisode marquant de la vie de l'auteur. Quelle attitude ce dernier a-t-il envers la photographie ? Comment le texte retranscrit-il le pouvoir de cet art visuel ? Afin d'étudier ces diverses interrogations, nous analyserons tout d'abord la scène de préparation du modèle que Guibert va photographier, avant de s'attarder sur le duo intime que forment la mère et son fils, influencé par le contexte artistique d'une séance photo (est-elle la fin ou le moyen ?). Enfin, nous questionnerons les rapports entre l'auteur, le texte et l'image.
[...] Etude d'un extrait de l'autobiographie d'Hervé Guibert, Mes Parents Extrait étudié Un beau week-end de printemps, je reviens à La Rochelle, mon père s'est acheté un appareil photo, le petit Rollei 35, il me propose de l'essayer, ensemble nous plaçons le film dans l'appareil, je veux photographier ma mère, je la débarrasse de l'apprêt de ses vêtements et de sa coiffure, je passe ses cheveux sous l'eau, je lui fais enfiler une simple combinaison, et je dis à mon père de nous laisser seuls. [...]
[...] Une série de petites scènes est donc constitutive d'une unité servant d'introduction au récit de l'un des épisodes de la vie de Guibert. De façon linéaire, les actions s'enchaînent : retour de l'auteur, annonce de l'achat d'un appareil photo par son père, proposition d'un premier essai Une certaine fluidité se dégage de l'ensemble, tout en introduisant l'idée d'une construction : différents petits blocs s'emboîtent pour former un tout. Or cette impression, offerte par la composition stylistique de la phrase, illustre la façon dont se prépare la séance photo : elle s'organise à la façon d'une mise en scène. [...]
[...] Il utilisa le Rollei 35 pour traquer des instants de vérité, de lumière dont on peut retrouver un équivalent stylistique dans son écriture : l'extrait montre sa manière de saisir par de courtes phrases, l'essentiel de l'image qu'il souhaite représenter. Représentation ou transcription ? Un caractère double qui peut illustrer la relation qu'entretenait Guibert avec l'art, entre écriture et photo (fixe ou cinématographique) une façon, peut-être, de rendre plus complète, plus profonde sa quête personnelle, la constitution de son identité à travers les autres, la recherche de son être –affectif ou artistique- par l'écriture de soi. [...]
[...] L'extrait étudié met donc en scène un épisode de la vie de l'auteur possédant une forte dimension symbolique. Il introduit la notion d'intimité, de vérité, de fantasme, pose la question de la nature des relations familiales, qu'elles se dévoilent sous la forme privilégiée d'un duo, ou plus impersonnelle, d'un trio, mais il interroge aussi la notion d'un art utilitaire, au service d'une quête de l'authenticité et d'un travail de la mémoire par l'auteur. Image ou texte, photo ou récit une ambivalence, une opposition ou une complémentarité ? [...]
[...] Il serait possible de parler d'une communion des êtres, autour de la thématique du corps : Guibert s'est, en quelque sorte, approprier celui de sa mère, et concrétise leur union par la photographie. Celle-ci serait une médiation entre deux êtres du même sang, elle permettrait un rapprochement, une alliance sensuelle et artistique, illustrée par le motif de la danse : comme si nous valsions ensemble Le plaisir physique serait mené à son paroxysme au cours de cet instant intime, où la photographie ne serait que prétexte. [...]
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