Dans son paragraphe 165, Leibniz s'appuie sur une lettre de Descartes à la princesse Elizabeth pour justifier le concours de Dieu au mal moral, sans en être le responsable. Le mal de Coulpe, comme l'appelle également le plus allemand des philosophes allemands, est un effet de la volonté antécédente de Dieu, non de sa volonté conséquente. Exprimant les prédicats majeurs de Dieu, Leibniz démontre que Démiurge, dans l'économie générale du meilleur des mondes possibles, est soumis au principe de convenance : Dieu est disculpé d'un potentiel Péché de commission (le fait de mettre quelqu'un dans une situation tout en sachant qu'il va pécher), qui ferait de lui un créateur essentiellement mauvais. La lettre de Descartes met en scène un monarque « qui a défendu les duels, et qui sachant certainement que deux gentilshommes se battrons, s'ils se rencontrent, prend des mesures infaillibles pour les faire rencontrer ». Il transpose l'exemple à Dieu pour montrer que ce dernier possède la prescience de chacune de nos actions, connaissant les choix vers lesquels notre libre arbitre nous pousse. Cependant, pour Descartes, Dieu veut tout ce qui arrive et ce qui contraint notre libre arbitre (analyse de Leibniz au paragraphe 164)… C'est après avoir critiqué la philosophie de Descartes que se trouve notre paragraphe.
[...] Dans cette première partie, Leibniz s'est attaché à rectifier à sa manière l'exemple de Descartes, afin qu'il soit conforme avec sa propre pensée. Cette comparaison rectifiée peut servir c'est à dire qu'elle est désormais satisfaisante pour Leibniz, digne de sa philosophie et de sa conception de Dieu. Toutefois, Leibniz reste très prudent et ne prend pas le risque d'anthropomorphiser Dieu : pourvu qu'on remarque la différence qu'il y a entre Dieu et le prince Il est intéressant de relever que Leibniz parle de la différence et non pas des différences qu'il y a entre les deux. [...]
[...] Cependant, la phrase comporte un sens plus intéressant : Dieu peut tout ce qui est possible ce qui veut dire implicitement qu'il ne peut pas ce qui est impossible. Mais qu'est ce qui est impossible à dieu ? Dieu serait-il soumis à quelque chose ? Selon Leibniz oui, Dieu est soumis à l'une de ses propres parties ; il est soumis à la région des vérités éternelles, que Dieu ne peut pas ne pas vouloir. Ainsi, dans le meilleur des mondes possibles, il était impossible que Dieu ne permette pas le péché. [...]
[...] En effet, il va penser que, s'il avait été plus puissant, il aurait pu empêcher que cela arrivât. Or, comme le dit Leibniz, son imperfection (cette fois clairement au sens métaphysique : sa limitation) fait qu'il ne peut pas faire mieux que ce qu'il fait. Le prince a évidemment le sentiment de son imperfection essentielle, et c'est en quoi consiste le déplaisir : le prince sera triste (aura du déplaisir à voir que, s'il avait été plus puissant, ses soldats n'auraient peut-être pas eus à déroger à la loi. [...]
[...] Ainsi le libre choix du prince (la décision de faire se rencontrer les deux hommes) est soumis à ce que l'on pourrait déjà qualifier de principe de convenance : la raison d'état est supérieure à la raison individuelle. Leibniz continue l'exemple : comme, par exemple, si l'absence de l'un ou de l'autre était capable de faire éclipser de l'armée quantité de personnes de son parti, ou ferait murmurer les soldats, ou causerait de grands désordres Cet apport semble se pouvoir passer de commentaire, puisqu'expliquant en lui-même, par des exemples, pourquoi la présence à l'armée des deux soldats pourrait s'avérer nécessaire : pour la meilleure gestion possible de l'état du prince, il faut que les deux gentilshommes soient tout deux à l'armée, ensembles. [...]
[...] Leibniz désire donc apporter un correctif à l'exemple de Descartes Il faudrait changer un peu le fait en faisant du choix libre du monarque un choix absolument déterminé : en inventant quelque raison qui obligeât le prince à faire ou à permettre que les deux ennemis se rencontrassent Plus précisément, le libre arbitre du prince va pencher nécessairement vers cette situation : le choix du monarque est déterminé par la nécessité. C'est ainsi que Leibniz continue son paragraphe en donnant des exemples où la rencontre des deux sujets est nécessaire, comme à l'armée ou en d'autres fonctions indispensables Cependant, il peut être légitime de se demander pourquoi la situation est nécessaire. En effet, rien, en théorie, n'oblige les deux hommes à se trouver à l'armée, et le monarque pourrait n'en appeler qu'un seul. [...]
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