Michel Butor, considéré traditionnellement comme l'un des piliers du Nouveau Roman français publie Degrés en 1960, son quatrième et dernier roman. Après lui son auteur ne s'arrête pas d'écrire, au contraire, l'œuvre de Butor est considérable, mais il poursuit son travail sous des formes plus expérimentales. Mobile (1962) est à l'image de cette recherche de formes nouvelles ; il s'agit d'un collage d'extraits de textes qu'il faut lire en tournant le livre de 45 degrés.
La liaison entre ces deux œuvres se trouve dans le rapport de Michel Butor à l'Amérique, ce continent omniprésent dans Degrés, qui deviendra le sujet de l' « étude » qu'est Mobile. Ce mouvement vers l'Amérique n'est qu'un voyage de plus pour notre auteur pour qui l'exploration, concrète ou rêvée, est un art de vivre. De cette attirance vers l'ailleurs découle une relation particulière à l'espace qui se manifeste dans son œuvre.
Nous nous intéresserons dans ce dossier à l'espace de Degrés, nous examinerons la façon dont Michel Butor le construit et le décrit, et de quelle manière les procédés qu'il applique sont révélateurs d'une conception particulière de la création de l'espace romanesque.
Tout d'abord nous observerons comment la construction de ce roman est élaborée selon un schéma concentrique. Ensuite, nous tenterons d'expliquer les raisons qui nous permettent de définir l'espace décrit dans Degrés comme un espace relatif. Enfin, nous nous pencherons sur la notion de roman en construction et nous verrons de quelle manière cela éclaire notre compréhension de la façon dont Michel Butor conçoit l'espace romanesque, au propre et au figuré.
[...] Notre premier narrateur est professeur de géographie. Le choix de cette discipline par l'auteur montre sa volonté d'élargir l'espace de son roman, de ne pas se contenter de demeurer dans un espace anodin, routinier. Le narrateur Pierre Eller déclare dès le début de l'année scolaire : Le lundi, la routine avait déjà commencé ; une semaine complète de classe avait tourné. Dans cette chronique d'un quotidien de plus en plus oppressant à mesure l'ampleur du projet devient écrasante, le choix de cette discipline permet d'introduire un souffle, une ouverture vers un ailleurs bien présent bien qu'il soit le plus souvent fantasmé. [...]
[...] Citons un exemple de trajet décrit dans ses moindres détails : Le lendemain matin, vendredi 15 octobre, M. Bailly, parti à la recherche d'un coiffeur, a dédaigné ceux de la rue de Sèvres, a pris celle du Vieux-Colombier, puis à gauche la rue Bonaparte, est revenu par le boulevard Saint-Germain, a fait une pointe rue Pré-aux-Clercs pour examiner la maison de son neveu Alain chez qui il n'était pas encore allé On pourrait citer nombre d'autres exemples pour illustrer cette idée. [...]
[...] Michel Butor relève l'importance de décrire leur situation relative au reste de l'espace. Il écrit dans L'espace du roman : Ce qui est vrai au niveau du décor l'est tout autant pour la liaison de ces différents décors dans une unité de lieu plus vaste. De même qu'on ne peut laisser dans le vague la localisation des différents meubles qui particularisent une chambre, on ne peut différencier les relations locales de ces chambres entre elles, laissant l'immeuble, la ville ou le pays, amorphes eux aussi comme un sac. [...]
[...] Ils n'existent dans le roman que dans leur relation aux personnages. Butor écrit à ce propos dans Philosophie de l'ameublement : Écrire un roman, par conséquent, ce sera non seulement composer un ensemble d'actions humaines, mais aussi composer un ensemble d'objets tous liés nécessairement à des personnages, par proximité ou par éloignement ( ) qui ne seront là que par rapport à [eux]. Des personnages situés les uns par rapport aux autres Michel Butor apporte une attention particulière à situer ses personnages les uns par rapport aux autres. [...]
[...] Ces deux catégories d'objets se complètent. Les manuels de géographie sont des productions issues de l'espace quotidien, alors que les timbres sont des témoignages directs et concrets de cet ailleurs lointain sujet à tant de rêveries. Reprise du schéma concentrique Ainsi, si l'on reprend le schéma que nous avons dressé dans la première partie, on peut définir un ou plusieurs éléments qui font le lien entre chaque cercle. Les trajets quotidiens feraient alors le lien entre le lycée Taine, le centre de l'espace du roman, et le quartier où se situent les appartements des protagonistes. [...]
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