Pour appréhender le plus efficacement possible l'œuvre de Jules Vallès, il convient de toujours se souvenir qu'il n'était pas uniquement écrivain : il réussit également une carrière de journaliste. On comprend alors mieux comment il a pu développer un style d'écriture si vivant. On découvre aussi à quel point l'expérience journalistique de Vallès a pu influencer aussi bien le fond que la forme de "L'Enfant" : la structure même du roman ainsi que la manière dont sont abordées certaines thématiques sont à l'image de l'attention que l'auteur porte à la presse et à ses métamorphoses.
En quoi, donc, le journalisme a-t-il permis à Jules Vallès de construire, dans "L'Enfant", une poétique particulièrement originale ? Le récit semble constitué, tout comme l'est le journal, d'une multitude de petits « morceaux. »
[...] - Il faut une épée près de la plume. Ces phrases tirées du vingt-troisième chapitre de L'Enfant peuvent certainement constituer, du moins, pour Jules Vallès, des consignes applicables aussi bien à l'écriture journalistique qu'à l'écriture de textes de fiction. L'Enfant est, du fait du recours constant à un ton ironique, au moins aussi combatif qu'un article de presse à but polémique. Mais ce dont le lecteur se souvient le plus, hormis la cruauté du roman, c'est de l'écriture de Vallès : elle paraît parfois réellement reproduire le réel, elle retient l'attention habilement, elle fait s'élever et s'entrelacer toutes les voix. [...]
[...] Évidemment, tout le roman est un drame, mais de petits drames, autonomes, accroissent sans crier gare, la cruauté du texte en surgissant presque de nulle part. Le fait divers survient très généralement pour satisfaire le voyeurisme du lecteur ou du citoyen. On savait que la petite sœur de Bonaventure, Louisette, était maltraitée par son père. Mais avait-on besoin de connaître les détails de sa mort qui, au vu de la violence des coups qu'elle recevait au quotidien, était assez prévisible ? [...]
[...] une trique remplacerait aussi bien la mienne ! [ ] Toutes les traces de sa tutelle, de sa sollicitude, se lisent en raies blanches, en petites places bleues. [ ]Il ne faut pas gâter les enfants C'est, en somme, le ridicule de certains débats de la société de son temps que Vallès met en évidence dans L'Enfant. Puisque la presse est bien souvent l'un des porte-parole de ces débats, c'est d'une certaine manière sa pertinence qui se trouve mise en question. [...]
[...] Il n'est plus question de ne concevoir les journaux qu'avec un ensemble d'articles du même type. La définition même du journalisme se modifie : il s'agit de concevoir des articles destinés à être véritablement lus et appréciés par un public toujours plus large. Il s'agit également d'observer davantage sur le terrain, autrement dit, de s'immerger plus sincèrement dans l'actualité. Cette transformation du journalisme implique le développement de nouveaux genres tels que le fait divers ou le reportage. À l'intérieur du roman, Vallès exploite fréquemment ces genres en progression. [...]
[...] La description du jour du Reignage c'est-à-dire de la fête du village, au chapitre six s'avère particulièrement éclairante. L'aspect visuel, en dents de scie, de la chronique (alinéa et blanc) se trouve reproduit : quasiment toutes les phrases sont suivies d'un passage à la ligne. Les alinéas sont donc très nombreux. Le caractère instantané de l'écriture est saisissant. On croirait presque que Vallès est assis sur un banc à contempler la fête tout en griffonnant ses constatations du moment sur un petit carnet. [...]
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