Si comme l'a écrit un jour Karl Marx, "L'histoire a plus d'imagination que les hommes" on peut rajouter qu'elle a au moins autant d'ironie qu'eux. Comment ne pas voir en effet son sens de la malice lorsque qu'après avoir chanté pendant plus d'un siècle le refrain de l'Internationale "C'est la lutte finale", les mouvements communistes sont eux-mêmes victimes de La Chute finale comme l'annonçait en 1977 le titre persifleur de l'ouvrage d'Emmanuel Todd. A l'évidence, dans la terminologie et la téléologie marxiste, l'idée de chute finale renvoie à celle d'un système placé devant des contradictions insolubles soit, dans le cas d'espèce, le mode de production capitaliste. L'histoire a donc plus d'imagination que les hommes puisque près de cent cinquante ans après la parution du premier livre du Capital (1867) - "certainement, commentait le penseur allemand, le plus redoutable missile qui ait été lancé à la tête de la bourgeoisie" - le capitalisme exerce une hégémonie mondiale sans équivalent historique alors même que son principal concurrent, l'URSS, censé incarner un mode de production supérieur et définitif, a implosé.
(...) La chute du modèle soviétique a bien eu lieu - en 1991. Pourtant lorsqu'Emmanuel Todd théorise en 1976 la décomposition prochaine de la sphère soviétique le pronostic est osé. A l'époque, l'URSS est perçue en Occident comme robuste militairement, plutôt efficace économiquement et extrêmement dangereuse idéologiquement. Grâce à un mélange d'intuition et une bonne dose d'intelligence, un jeune chercheur (vingt-cinq ans) propose un bilan clinique du bloc de l'est qui, 350 pages plus tard, ressemble plutôt à l'autopsie d'un corps mourant (...)
[...] Pour Emmanuel Todd, la différence de taux de croissance entre les démocraties populaires et l'URSS ne s'explique pas par un effet de rattrapage des économies du bloc socialistes mais par la taille des Etats les contraintes du centralisme économiques s'exercent avec d'autant moins d'effets que les pays sont petits par la prise de distance avec les dogmes de l'économie marxiste planification intégrale, fixation des prix et des salaires qui permet une meilleure efficience économique. Ces difficultés économiques se traduisent en URSS par une pénurie sur les aliments de base (l'URSS importe des dizaines de millions de tonnes de céréales des pays capitalistes) ainsi qu'une impossibilité d'accéder à une consommation de masse l'automobile reste un privilège d'apparatchik. Comme le note E. [...]
[...] Pour l'auteur cette hausse est la conséquence d'une baisse d'efficacité de l'appareil médical ce qui fait dire à Emmanuel Todd : on doit légitimement en conclure que le système hospitalier soviétique se désorganise actuellement[5]. Au final, l'arrière-plan sociologique et politique qui se détache de ce portrait est sans ambiguïté : l'Occident en général et les kremlinologues en particulier se trompent lourdement sur la véritable nature de l'URSS. La puissance militaire soviétique est inversement proportionnelle à sa puissance économique : l'Union soviétique produit des canons parce qu'elle est incapable de produire du beurre ou des automobiles, ou n'importe quel autre type de bien de consommation[6]. [...]
[...] Se défiant des outils traditionnels de l'analyse évolution du droit, variation statistique le démographe s'évertue à étudier cette société fermée en historien, c'est-à-dire en bricolant et en testant plusieurs outils : il s'appuie par exemple sur l'évolution de la science-fiction soviétique et note que le pessimisme et l'irrationnel progresse[8] symptôme, selon lui, d'une adhésion au régime de plus en plus faible. La Chute finale est donc un livre doublement remarquable : historiquement et épistémologiquement. Emmanuel Todd, La chute finale, Editions Robert Laffont, Paris p Ibid., p Ibid., p. II. Ibid., p Ibid., p Ibid., p Et, en ce sens, il dément, en partie du moins, Karl Popper qui pensait qu'il était impossible de produire des prédictions historiques valables. [...]
[...] Au-delà des effets matériels, l'impact premier des difficultés économiques semble avoir lieu dans la sphère idéologique. Si à partir de 1917, l'URSS est devenue un ennemi idéologique pour l'Occident, à partir de 1950, estime l'auteur, le bloc soviétique a perdu cette primauté qui est revenue à l'Ouest porté par la réussite économique des pays capitalistes entre 1945 et 1973 et, à l'inverse, par la stagnation à l'Est. Si l'on en croit Antonio Gramsci, théoricien de l'idée de conquête de l'hégémonie culturelle, l'URSS a perdu la guerre en s'inclinant lors de la bataille culturelle, c'est-à-dire dans l'affrontement pour la domination sur les idées et les valeurs. [...]
[...] L'histoire a donc plus d'imagination que les hommes puisque près de cent cinquante ans après la parution du premier livre du Capital (1867) certainement, commentait le penseur allemand, le plus redoutable missile qui ait été lancé à la tête de la bourgeoisie le capitalisme exerce une hégémonie mondiale sans équivalent historique alors même que son principal concurrent, l'URSS, censé incarner un mode de production supérieur et définitif, a implosé. Analyse générale et critiques La chute du modèle soviétique a bien eu lieu en 1991. Pourtant lorsqu'Emmanuel Todd théorise en 1976 la décomposition prochaine de la sphère soviétique le pronostic est osé. [...]
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