La lettre L. est la douzième lettre de l'alphabet, mais c'est également une des composantes du titre du roman de Marguerite Duras, Emily L. On devine donc un jeu, une réflexion sur l'onomastique chez Marguerite Duras, comme chez Marcel Proust. Chez elle, les noms fixent des notions, arrêtent du sens, déterminent des mesures qui vont permettre la construction et l'entrée dans l'imaginaire, la fiction. L., c'est avant tout une vaste palette d'évocations sonores et c'est ensuite, et surtout, la littérature. La réflexion sur L. se poursuit avec elle, Emily L., le personnage du roman, « la petite iguane », la poétesse. Enfin, L., c'est aussi le roman Emily L. qui est une interrogation, une réflexion de Marguerite Duras sur la réalité et l'imaginaire – le monde de l'entre-deux – mais également sur l'écriture
[...] Mais le feu va brûler jusqu'au Captain lui-même, il a commis un sacrilège : C'est impossible de jeter un livre pour toujours avant qu'il ne soit tout à fait écrit c'est-à-dire : seul et libre de vous qui l'avez écrit. C'est aussi insupportable qu'un crime. écrit Marguerite Duras dans Ecrire (p.23). L'œuvre est brûlée est effacée à jamais. Jusqu'à que quelqu'un d'autre reprenne l'écriture de ce poème unique et sans fin : Elle était quelqu'un qui avait tendance à croire que partout on écrivait le même poème sous des formes différentes. (p.81 d'Emily L.). [...]
[...] (p.90 d'Emily L.). c'était comme si tout prenait un sens ou changeait de sens : Tout prend un sens tout à coup par rapport à l'écrit, c'est à devenir fou. Les gens qu'on connaît on ne les connaît plus et ceux qu'on ne connaît pas on croit les avoir attendus (p.25 d'Ecrire). C'est ce qui arrive avec le Captain et le jeune gardien à qui elle écrit la seule lettre qu'elle lui a adressé : Je voulais vous dire que vous étiez cette attente (p.135). [...]
[...] est fondamental, d'où l'importance d'entendre plusieurs langues parlées dans le bar : Il y avait des touristes, de Ceylan vous aviez dit, et d'autres aussi, de nationalités diverses. Les uns comprenaient vaguement le français . (p.15 et 16) et Quand les silences se faisaient jour dans la salle on entendait cet anglais qu'ils parlaient entre eux et on le reconnaissait (p.18). Tout ce qui tient à la littérature est écrit dans une sorte de langue étrangère disait Marcel Proust. Toute écriture est étrange et étrangère. C'est écrit autrement et c'est un autre langage qui est mis en jeu, cela demande une lecture particulière. [...]
[...] L comme Emily L La première apparition d'Emily L. se fait à la page 16 et elle est indissociable du Captain : Eux et Fondus ensemble en une seule couleur, une seule forme. Un seul âge (p.16). A partir du moment où ces deux personnages surgissent, ils vont faire tout le récit. Seules les boissons qu'ils boivent sont différentes, cela les dissocie : La Pilsen noire pour lui et pour elle le double bourbon (p.17). C'est à partir de là que le narrateur va raconter l'histoire de cette femme croisée dans le bar. [...]
[...] C'est pour cela qu'écrire, c'est aussi remplacer, comme le dit l'auteur à la page 23 : [ ] écrire, c'est aussi ça, sans doute, c'est effacer. Remplacer. Ecrire, c'est donc effacer, remplacer, aller ailleurs. Il s'agit d'effacer le souvenir, d'inventer sa mémoire, remplacer ce qui a eu lieu par autre chose qui en tient lieu. Quelque chose a été vécu, mais ne donne pas matière à l'écriture. Il faut remplacer le vécu par l'invention, l'imaginaire par une logique qui est celle de l'écriture. A partir des Coréens, présents au début du texte, Marguerite Duras aborde le domaine de l'effrayant. [...]
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