Publié en 1947, L'écume des jours est un roman qui a marqué des générations de lecteurs. Bien que soutenu par des auteurs tels que Queneau ou Sartre, il n'avait pourtant pas trouvé son public du vivant de Boris Vian. Aujourd'hui, son originalité et sa séduction ne sont plus à prouver. A l'aide d'une écriture vive et légère, l'auteur met en scène les aventures quotidiennes d'un jeune homme et de ses amis dans un Paris onirique et déroutant. C'est à partir de cet univers allégorique, à la fois féerique et tragique que s'élabore l'entreprise générale de subversion qui est propre à ce roman. Vian était un homme très cultivé et il semble avoir réutilisé ici quelques sources de son inspiration littéraire. L'apport de cet héritage culturel est pourtant traité d'une manière spéciale, bien que réutilisant différents thèmes et différents éléments appartenant aux oeuvres de ses prédécesseurs, l'auteur s'est attaché à briser les catégories ordinaires de la perception et de l'entendement et à créer un monde à part (...)
[...] La souris, amie de Colin, l'a suivi dans toutes ses péripéties. Elle est la dernière à quitter l'appartement qui termine son autodestruction. Le chapitre soixante-huit qui termine l'œuvre, est bref et met en scène une conversation entre deux animaux, c'est pourquoi on peut le rapprocher du genre de la fable, genre dans lequel ce type de personnages évolue de manière constante depuis l'Antiquité. Il s'agit encore d'architextualité, le lecteur doit mobiliser ses connaissances en matière de fable : pour savoir la reconnaître et pour comprendre l'usage particulier qu'en fait l'auteur. [...]
[...] Malgré une fin parfois cruelle et malheureuse, il y a toujours un point positif qui vient clore un conte. Ici la mort est l'anéantissement de tout, aucun personnage n'en sort indemne et ancre l'œuvre dans un pessimisme qu'on ne pouvait soupçonner à première vue. L'apparence fictive des personnages et de l'intrigue tend à valider l'impression première de lire un roman mais sans pourtant rompre avec les contraintes des genres, par les jeux linguistiques et formels que l'auteur y insère,l'œuvre acquiert une nouvelle dimension. [...]
[...] En définitive, L'écume des jours, le plus poignant des romans d'amour contemporains selon Queneau, se distingue par une nature hybride. C'est un roman sur l'amour, certes, mais également sur l'amitié, sur la jeunesse, sur le passage difficile et semé d'obstacles pour arriver à l'âge adulte, l'âge du mariage, l'âge des responsabilités. C'est grâce à ses alliances dissonantes que ce roman polymorphe propose un univers hétérogène où plusieurs niveaux de lecture peuvent se créer et s'entrecroiser. Les nombreuses références présentes dans le texte sont l'appui, la base et le moteur d'une écriture poétique, imaginative mais toujours connectée au monde réel qui l'entoure. [...]
[...] 168] illustrent bien cette envie de jouer avec le style d'écriture d'une autre époque. Ces archaïsmes participent au dépaysement des lecteurs qui se trouvent face à la confrontation de deux univers supposés distincts l'un de l'autre. Ils apportent aussi une dimension comique au roman tout simplement parce qu'ils sont en décalage avec l'univers dans lequel évolue Colin auquel ils se mêlent pourtant avec un grand naturel. De telles analyses mettent parfois en avant des rapprochements jugés d'abord impensables. Michel Gauthier met de plus en avant l'alliance particulière de l'imparfait et du passé simple dans L'écume des jours, utilisation qui n'est pas sans rappeler celle dont use Flaubert dans son conte Un cœur simple (voir annexe 1). [...]
[...] Le roman repose tout entier sur la dynamique de l'hybridité. En effet, se juxtaposent constamment le sérieux et le burlesque, le tragique et le grotesque. On évoquera donc dans un premier temps la part ludique de la transtextualité dans l'œuvre, des hommages burlesques aux véritables filiations littéraires ou autrement dit on verra comment l'auteur a su offrir une nouvelle vitalité à d'anciens procédés afin de faire de son œuvre un roman plaisant et agréable. Il s'agira de voir ensuite comment le détournement constant des influences, entre satire et parodie permet à l'auteur d'élaborer une réflexion sur la société de son époque. [...]
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