De la constatation première de l'inexistence générique d'une écriture masculine, on pourrait alors légitimement s'interroger sur ce qui « fait » l'écriture féminine, plus que la simple catégorisation sexuelle de l'auteur, à laquelle on ne saurait s'arrêter.
Toute écriture est transgression. Mais la transgression se voit décuplée pour la femme-écrivain africaine : il s'agira pour elle, non seulement de transgresser l'interdit de l'écriture, face à l'homme et aux réflexes d'une société phallocratique ; mais aussi de le transgresser, peut-être, par rapport à une vocation de la voix et du chant de la tradition orale.
Depuis les années quatre-vingt, la femme africaine a enfin pris la plume pour écrire, pour s'écrire. On observera en effet que, plus que le discours idéologique masculin, qui dénonce généralement politique, misère, et qui tente de prendre en charge le devenir de la société, cette dernière délivre une réflexion sur un vivre et un moi, essentiellement féminins. Une réflexion axée sur le quotidien plus que sur l'avenir, du moins dans ses débuts, et qui prendra généralement la forme générique de l'autobiographie ou du récit de vie. Calixthe Beyala et son premier roman paru en 1988, C'est le soleil qui m'a brûlée, sont de cette génération. Mais son œuvre, qui présente le récit de vie d'une jeune femme, Ateba, va plus loin : la dénonciation faite des conditions de vie des femmes passe par une véritable sexualisation de l'écriture, du texte. Plutôt que l'expression d'une sensibilité ou du récit-exposé d'un quotidien féminin, le texte semble passer par la trame de la sexualité proprement dite de l'instance narrative féminine, ce qui semble être le fondement même du caractère féminin de l'écriture de C. Beyala. Dès lors, de quelle manière le texte va-t-il être sexualisé, afin de servir le récit?
[...] Calixthe Beyala et son premier roman paru en 1988, C'est le soleil qui m'a brûlée, sont de cette génération. Mais son œuvre, qui présente le récit de vie d'une jeune femme, Ateba, va plus loin : la dénonciation faite des conditions de vie des femmes passe par une véritable sexualisation de l'écriture, du texte. Plutôt que l'expression d'une sensibilité ou du récit-exposé d'un quotidien féminin, le texte semble passer par la trame de la sexualité proprement dite de l'instance narrative féminine, ce qui semble être le fondement même du caractère féminin de l'écriture de C. [...]
[...] Le corps prend la parole et se traduit en cri de révolte. L'expression corporelle est à elle seule un langage, elle traduit la passion : Lentement, elle regagne son lit. Elle s'allonge et enlève sa culotte. Bientôt dans son corps, elle surprendra l'émotion de l'homme, elle la brisera et se tiendra à distance pour ne pas attraper le germe du désordre. Les reins se mouvront d'eux-mêmes, ils oscilleront à la chaleur du désir retroussé, là dans son ventre pour qu'enfin gagne le sommeil (p22) Elle permet également d'exprimer la violence, le manque ou la soumission comme à la page 36 À genoux le visage levé vers le ciel la position de la femme fautive depuis la nuit des temps assise. [...]
[...] [ ] Les reins se mouvront d'eux-mêmes, ils oscilleront à a chaleur du désir, là dans son ventre pour qu'enfin gagne le sommeil. Depuis longtemps, Ateba s'était habituée à se caresser pour s'endormir. (p22) Alors que le jour est synonyme de souffrances : Ateba se lève, elle s'habille et reprend sa vie de femme. Ada est dans le jour. Elle la regarde, elle ne s'interroge pas sur sa mine défaite, les cernes autour des yeux, l'angoisse oscillante au fond des prunelles. [...]
[...] Avant la trahison de l'homme, elle régnait en maître sur la terre et l'espace. Mais l'homme l'ayant dupé, elle se retrouve à le servir et au fil des siècles à devenir son esclave. C'est pourquoi, Ateba veut retrouver la femme elle souhaite la retrouver telle qu'elle était avant, une femme aimante et créatrice. Ainsi, Ateba universalise le destin des femmes et revendique le combat que chacune mène contre l'homme. En écrivant, elle prend conscience de ce qu'elle est de son statut de femme soumise. [...]
[...] Elle est le rien qui fait le tout. J'aime cette phrase. Elle ressemble à toutes ces petites choses de la vie dont Ateba raffole, mais dont elle ignore la source et qui n'ont de sens que pour son esprit paumé. Je la lui souffle à l'esprit. Elle sourit. Elle pense que, bientôt, il ne restera plus de femmes, et, à force d'être ce qui n'est rien du tout, elles finiront par se diluer au-delà du rien. Le rien après la violence, symbolisée ici par le face-à-face d'Ateba avec le sang, menace les femmes, la femme dans ce qu'elle a de général. [...]
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