La découverte des peuples de « sauvages » au XVIIIème siècle est à la source des nombreuses théories de l'état de nature, qui visent à comprendre ce qu'a pu être l'homme avant ou en dehors de la société. Contre le contrat social formulé par Hobbes qui postule l'homme naturel comme nécessairement en état de guerre, Rousseau affirme que le fait que la violence soit un point commun à toutes les sociétés ne signifient pas qu'elle constitue l'essence de l'homme, mais uniquement qu'elle est culturellement créée. Cette distinction établie, Rousseau repose alors dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes la question de savoir ce qu'est donc la nature humaine, et si celle-ci peut légitimer les inégalités que l'on constate aujourd'hui parmi les hommes ?
L'exemple de la chasse au cerf est l'occasion pour lui de montrer que le problème majeur que doit résoudre le contrat social est de permettre la collaboration entre les hommes en évitant de les laisser succomber à leur individualisme.
[...] Derrière le contrat social, on peut trouver l'essence même de la Loi et des institutions en général, dont le but est effectivement d'imposer à tous un même but commun qui transcende les intérêts particuliers. En définitive, comme souvent chez Rousseau, la parabole de la chasse au cerf et le Discours en général m'apparaissent comme infiniment pertinents pour aujourd'hui : contre les critiques qui s'élèvent de part et d'autre en dénonçant la gouvernance des institutions, accusées de ne pas suffisamment s'intéresser aux situations individuelles et aux communautés particulières , Rousseau nous rappelle que ces institutions et ces lois cristallisent en fait notre volonté originelle non seulement de coopérer dans l'intérêt de tous, mais de nous permettre de vivre ensemble en envisageant un bien commun. [...]
[...] Cette distinction établie, Rousseau repose alors dans son Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes la question de savoir ce qu'est donc la nature humaine, et si celle-ci peut légitimer les inégalités que l'on constate aujourd'hui parmi les hommes ? Ainsi, en soustrayant à l'homme tel qu'il existe les caractéristiques sociales qui le composent, Rousseau entame la description d'un état de nature évidemment imaginé et hypothétique, mais qui a le mérite de permettre la réflexion sur l'essence de l'homme. [...]
[...] C'est le problème majeur que se doit de résoudre le contrat social : instaurer un état qui mette en place les situations propices à la moralité des hommes. Il est intéressant de lire cette théorie chez Rousseau, car on y reconnaît inévitablement les théories du jeu en économie, et notamment l'équilibre de Nash. Il est dans l'intérêt de chacun des joueurs de participer à la chasse du cerf, mais dans la mesure où tous ignorent si les autres s'y plieront effectivement, ils préfèrent poursuivre leur intérêt individuel et chasser le lièvre alors même que l'utilité de la situation finale s'en trouve diminuée. [...]
[...] Il s'agit alors d'obliger par le contrat les hommes à coopérer. Le contrat social se fonde sur la volonté générale, résultat de ce que les individus acceptent, pour leur propre intérêt, de se soumettre à l'intérêt de tous. Les individus sont ainsi « forcés » à être libres en tant que c'est dans la volonté générale que leur liberté s'exerce le mieux, car elle permet aux hommes de se contraindre eux-mêmes à coopérer pour atteindre le bien commun. De fait, leurs chaînes n'en sont pas, car ils s'y attachent volontairement. [...]
[...] Les hommes décident de partir chasser le cerf. Ils se mettent d'accord sur ce but commun et sur les moyens d'y parvenir, mais alors que chacun prend sa place, l'un des hommes voit passer un lièvre et se met à lui courir après, rendant impossible la capture de l'animal qui aurait pourtant amélioré le sort de tous. De fait, l'intérêt individuel prime toujours sur l'intérêt collectif. Mais il ne s'agit pas d'un « vice », au sens d'un défaut inhérent chez l'homme qu'il faudrait corriger par la contrainte. [...]
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