Le récit s'ouvre avec un imparfait d'itération : Mme Klara a l'habitude d'emmener son fils de cinq ans, Dolfi, au parc. Le portrait du garçon est particulièrement pathétique : le teint "blafard" et verdâtre, il est affublé du surnom de "Laitue". Même si le narrateur, omniscient, semble faire de ce personnage le protagoniste principal de la nouvelle, il insiste sur la faiblesse et l'inutilité de ce garçon, qui ne va pas manquer d'être rejeté par ses autres camarades de jeu. Ce jour est un peu différent des autres promenades au jardin public car Dolfi a acquis un petit fusil à cartouche. Même pourvu de ce jouet, le garçon ne parvient pas à intéresser les autres enfants. Maladroit, Dolfi fait semblant de leur tirer dessus, espérant sans doute attirer leur attention. Comme si la focalisation était maintenant externe et que le narrateur était un de ces autres enfants du parc, il insère un dialogue qu'il aurait pu entendre. Cette impression d'un narrateur-témoin est rendue sensible par les périphrases qui désignent les membres de ce groupe, indéterminées : "l'un d'eux", "un autre", "celui qui avait parlé avant" (...)
[...] Dolfi affectait-il seulement d'être bouleversé après l'attaque des autres enfants ou était-il sincère ? Cette question est importante car elle suppose, si la démonstration pathétique de Dolfi est honnête, que l'épisode - fictif au centre de cette nouvelle est celui qui a durablement marqué le héros, au point qu'il s'endurcisse et devienne intraitable. Si au contraire, il joue la comédie, cela révèle au lecteur que l'enfant, pour lequel on se prend de pitié alors qu'on voit qu'il est maltraité par les autres, se dirigeait déjà tout droit vers un destin que le lecteur connaît. [...]
[...] A la ligne 125, une fanfare militaire passe, alors même que les enfants prétendent jouer à la guerre. Cette intrusion brutale d'une musique, tangible, renverse le texte car on ne voit pas les membres de la fanfare mais c'est seulement tambours et trompettes que perçoit Adolf. Cette impression le marque profondément et il se sent investi d'une mission qui le dépasse, celle de servir la Patrie. Le jeu prend alors une réalité brute pour lui et il est ému. Il a alors l'impression d'exister par une entreprise qui le dépasse, et dont il est lui-même le jouet. [...]
[...] Ainsi, les autres enfants n'ont pas de surnom humiliant, sont vigoureux et ont une chevelure couleur or. Ils sont montrés en mouvement, courant comme des lapins, alors que le pauvre Adolf, même en faisant des efforts, ne peut pas les suivre dans leur élan. Eux ont de nombreux jouets alors qu'Adolf peine, comme l'expliquait le narrateur, à jouer seul et, pour lui, le fusil était un moyen de s'intégrer. L'aval qu'ont ces garçons sur Adolf est donc signifié de différentes façons : ils sont physiquement plus forts que lui, ils ont de l'endurance, de l'imagination et sont plus matures qu'Adolf, puisqu'ils possèdent un vocabulaire argotique, qui suppose qu'ils prennent exemple sur leurs parents. [...]
[...] L'étonnement du lecteur n'en est que plus grand car le narrateur a pris soin d'utiliser une focalisation interne, qui permet de résonner avec l'enfant. Un tel déplacement aurait été impossible si le lecteur avait connu l'identité du personnage. La question du genre de la nouvelle aurait aussi été posée et aurait peut-être fait perdre sa fraicheur à la nouvelle : si l'on avait su dès le début que le garçon était Adolf, on aurait mélangé fiction et Histoire avec maladresse, alors que le mode d'information, celui de l'apostrophe de l'autre femme à la fin du récit, est aussi lapidaire que puissante. [...]
[...] Bien qu'effacé et solitaire par défaut, le petit garçon semble aussi colérique et têtu : Je ne veux pas qu'on m'appelle Laitue ! Les enfants du parc jouent à la guerre. Une rapide opposition entre le héros et les autres enfants explique pourquoi il est rejeté : il est brun, eux sont blonds ; il est chétif, eux sont vigoureux : ils étaient forts et lui faible La ligne 78 marque un renversement : Mais cette fois lui aussi était venu avec un fusil Est- ce du discours indirect libre et donc une pensée du petit garçon, qui semble une menace ? [...]
Source aux normes APA
Pour votre bibliographieLecture en ligne
avec notre liseuse dédiée !Contenu vérifié
par notre comité de lecture