Ecrivain soviétique, Soljenitsyne est né le 11 décembre 1918 dans le Caucase. En 1945, devenu capitaine, il est condamné à 8 ans de détention pour avoir qualifié Staline de "caïd" dans une lettre. Libéré et opéré d'un cancer en 1953, il reste en exil jusqu'en 1957, date de sa réhabilitation. La publication de son roman Une Journée d'Ivan Denissovitch, en 1962, lui assure une renommée mondiale.
Mais revenons avant sa publication… En 1961, un manuscrit anonyme est déposé à la revue Novy Mir. Le directeur le lit et pense de suite avoir découvert un chef-d'œuvre, mais aussi un moyen de secouer les consciences trop vite tranquillisées. Il demande donc l'imprimatur à Khrouchtchev en personne qui, de manière tout à fait inattendue, lève la censure. Il demande toutefois à Lebediev, son conseiller personnel, de l'examiner, et ce dernier propose quelques coupures aux endroits pouvant choquer le 1er secrétaire. Khrouchtchev est même enthousiasmé de cette version édulcorée.
Avant même sa publication dans le journal, tous les milieux littéraires moscovites l'ont lu. Plusieurs auteurs profitent donc de cette vague pour publier à leur tour quelques écrits jusque là censurés. Mais l'euphorie ne dure qu'un mois. En effet, peu après, Khrouchtchev se rend à une exposition d'art moderne. Or pour les communistes, la modernité est un refus du passé, du système établi, et donc par là même à une subversion politique. Il effectue donc de suite une remise au pas des lettres et des arts.
Cependant Une Journée… reste au confluent des principaux courants de lettre soviétique. Toutes les grandes œuvres de la littérature concentrationnaire sont de sa descendance : c'est à partir de lui que d'autres auteurs démontent le mécanisme du phénomène, pour le replacer dans l'histoire universelle. Le personnage d'Ivan Denissovitch est un jalon fondamental dans le renouveau du roman paysan. Dans Une journée…, il y a l'essentiel du mouvement littéraire des années 60 : la redécouverte d'un passé obnubilé par des mythes, et la volonté de retrouver une continuité historique qui rende à la nation conscience de sa personnalité.
[...] Contrairement à Aliocha, Choukov ne renonce pas : il assume. On pourrait rapidement conclure : Aliocha le chrétien a sauvé son âme, Choukov le stoïque sauvera son corps. Mais le personnage de Choukov ne réduit pas ses actes à cela : à la fin du livre, Choukov accomplit l'acte de charité qui est l'essence même du christianisme : il accorde sa protection à un forçat riche et pas du tout apte à la survie en cachant son colis plein de nourriture pendant l'appel, qui aurait été volé à coup sûr par ses autres camarades de chambre (p.178). [...]
[...] Les autres forçats s'amusent même à l'appeler le "Stakhanov à la manque". Choukov lui aussi apprend à être heureux à sa manière, par exemple en appréciant au maximum la nourriture, qui n'est pourtant pas très appétissante et considère le fait de pouvoir manger comme une vraie chance (p.68). Aussi, il déclare en dernière page du livre être satisfait de sa journée (p.189) Il remercie Dieu, son Dieu à lui, celui qui vit dans son cœur, ne pas avoir été envoyé au cachot. [...]
[...] Pour les planqués et les mouchards, la notion de salut n'a pas de sens : l'enfer est leur métier. On peut prendre pour exemple le comportement d'un forçat qui, pour côtoyer au chaud les surveillants et le commandant, ravale sa dignité en lavant le plancher des sergents alors qu'il se fait insulter. Aucun espoir n'existe non plus pour ceux qui ont perdu leur qualité d'homme, comme le bagnard Fétioukov. Ce forçat, en reluquant son voisin César en train de fumer car il espère la fin de son mégot réduit sa condition d'homme (p.51) : il choisit volontairement un comportement qui attire la pitié de ses camarades pour obtenir ce qu'il veut au lieu de se débrouiller par lui-même. [...]
[...] Du coup, on change d'amis et d'ennemis selon les circonstances, comportement contraire à la dignité humaine. Le bagne fait perdre les valeurs morales de ceux qui y vivent, parce que ces derniers sont confrontés à la nécessité de survivre. Pour préserver son humanité, il faut donc s'imposer à soi-même quelques règles de conduite comme le fait Choukov. III- La dimension philosophique Ceux qui se dégradent, perdent leurs valeurs morales (Fétioukov) Le problème qui se pose au bagne est le même que celui du salut de l'homme. [...]
[...] 52) ce n'est qu'un loup qui cherche une proie facile et qui attaque sournoisement les forçats par derrière. C'est, semble-t-il, pour lui, un acte de sadisme gratuit. Dans le camp, la loi, c'est l'administration qui la choisit, sans se soucier de l'incohérence avec le Code Civil soviétique : les droits de l'homme ne sont pas respectés. (p. 54) Les camps sont un monde à part, avec des règles différentes auxquelles il faut s'adapter, ce qui modifie donc le comportement de chacun. [...]
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