[...] Après plusieurs mois passés chez Wajari, Philippe Descola va vivre chez le beau-frère de celui-ci vivant avec ses deux épouses sur l'autre rive de Kapawi. Cette rivière, tout comme la forêt, assure une fonction nutritive. La différence résidant dans le fait que la pêche mobilise parfois plusieurs familles alors que la chasse se fait en général par couple et accompagnée des chiens ; le mari veillant à emmener chacune de ses femmes à tour de rôle car cela est également perçu comme un « devoir conjugal ». A travers cela, nous pouvons nous intéresser aux mariages dans la société Achuar. L'homme choisit sa première épouse parmi les filles de ses oncles maternels ou de ses tantes paternelles. Les Achuar, étant polygames, peuvent donc obtenir de nouvelles femmes grâce aux guerres de vendetta ou encore en épousant les veuves de leur frère. Ils ont également la possibilité d'épouser une fille impubère mais dans ce cas, ils doivent respecter une règle d'abstinence jusqu'à ses premières règles. Le mari peut ainsi avoir plusieurs femmes mais il doit respecter scrupuleusement le tour de chacune, il y a donc une sexualité cyclique qui joue un rôle dans l'apprivoisement des femmes. Les maris peuvent faire preuve de violence envers ces dernières mais cela se développe parallèlement -et paradoxalement- à une délicatesse de leurs sentiments envers elles. En plus des liens de filiations entre Achuar, des amitiés cérémonielles peuvent s'ajouter. Celles-ci se prénomment « amik » et garantissent protection et assistance lors des guerres ainsi qu'un avantage pour le troc. Malgré ce lien étroit, les règles du discours lors d'une visite chez un « amik » éloigné (géographiquement, généalogiquement ou encore par suspicion d'intimité) ou chez un voisin sont extrêmement importantes. Ainsi lors de discours « officiels », les Achuar utilisent un discours quelque peu emphatique et peu compréhensible. Les talents d'orateur accompagnés de courage et d'exploits individuels peuvent ainsi être à l'origine de l'obtention d'une prééminence d'un individu, bien que cela soit extrêmement rare puisque les hommes adultes sont tous égaux et ne dépendent que d'eux-mêmes.
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Philippe Descola quitte ensuite Capahuari pour se rendre à cinq jours de voyage en pirogue chez des Achuar vivant à l'écart de toute influence missionnaire. Les missionnaires, face à l'immensité du territoire, ne peuvent, en effet, le parcourir dans sa totalité. Néanmoins, ils ont tout de même obtenu une victoire : les Quichuas, l'un des trois peuples dominants de la région (les deux autres étant les Achuar et les Shuar) sont christianisés, monogames et parlent l'espagnol. Cela n'empêche pas une entente cordiale entre ces peuples voisins bien que les vendettas soient fréquentes. Néanmoins, la réputation de « chasseurs de têtes » des Achuar (...)
[...] A cela s'ajoute, l'importance de l'apparence physique à travers des coiffures spécifiques ainsi que l'utilisation de substances naturelles pour se peindre le visage et le corps, pratiques courantes notamment chez les hommes. Les Jivaros ont eu un statut de nomades pendant de longues années, et ce n'est que depuis quelques années qu'ils se sont regroupés en des sortes de villages afin de devenir sédentaires. Cela s'explique en partie par l'influence des missionnaires. Ceux-ci sont installés depuis plusieurs années mais leurs tentatives de christianisation restent peu convaincantes. [...]
[...] Il s'agit donc de mauvais augures, annonciateurs de mort et de calamités. Ces rêves se traduisent par l'expression de la méchanceté des hommes à travers des images empruntées à la nature sauvage. D'autre part, il y a également, les penke karamprar consistant en une visite de l'âme à des personnes familières. Ils se différencient ainsi des deux autres types de songes dans lesquels les personnes qui y apparaissent sont inconnues et ont des visages anonymes. Les penke karamprar peuvent se caractériser par la vision d'un mort récent. [...]
[...] * Un thème très fréquent est fortement explicité à travers l'ouvrage de Philippe Descola est celui de l'oniromancie. En effet, les rêves jouent un rôle prépondérant dans la vie des Achuar et guident leur conduite. Ainsi, ces rêves se retrouvent dans le domaine de la chasse : les kuntuknar sont des heureux présages de chasse et tiennent un rôle exclusif dans la décision de partir à la chasse. Ils constituent des augures favorables en mettant en scène des êtres humains agressifs ou inoffensifs, énigmatiques ou très nombreux, désespérés ou séduisants. [...]
[...] D'autres, pensent qu'on ne peut réussir à distinguer ces deux types de réussites, étroitement liées. Néanmoins, tous sont d'accord pour reconnaître qu'une telle vision apporte une parfaite maîtrise de soi et la conscience de sa propre valeur. D'où l'existence d'un sentiment d'infériorité ressenti par les Achuar qui ne parviennent pas à cette quête visionnaire. A leur retour de forêt, durant quatre à cinq mois, les hommes ayant vus l'arutam doivent se nourrir de mets insipides, n'ont pas le droit de manger de vrais gibiers et ne doivent plus faire d'efforts physiques. [...]
[...] Lorsque celui-ci déclare Paant karampratjai j'ai rêvé clairement une grande agitation remplit toute la maison et les hommes comme les femmes font les préparatifs nécessaires pour le départ au combat. Ainsi les rêves jouent un rôle prédominant dans la société Achuar. En effet, qu'ils aient lieu naturellement durant leur sommeil ou à la suite d'une prise d'hallucinogènes, ces rêves guident leur conduite à travers leur quotidien. Ces rêves les aident donc dans leurs prises de décisions et leur permettent d'avoir le sentiment de disposer d'un certain contrôle sur le futur. [...]
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